Moon Dream

En ce moment, pour moi, le monde des comics se résume à Tom King et Daniel Warren Johnson. Ces derniers temps, ce sont les seuls auteurs que j’ai vraiment lus en comics, et tant mieux, parce qu’à mes yeux, c’est le top du panier made in US. Autant dire que chaque lecture, c’est du pur plaisir.

Bon, une fois n’est pas coutume, DWJ s’allie ici à un autre dessinateur pour un travail en duo particulièrement soigné. C’est Riley Rossmo, auteur/illustrateur canadien, à qui il rend un bel hommage en préface. Au début, on aurait pu croire que ce binôme avait été fait pour accélérer le travail du dessin, comme on le voit parfois pour gérer les cadences assez effrénées demandées aux auteurs de comics. Mais ici, puisqu’il s’agit d’une œuvre originale, sans pression de sortie ni série à rallonge, on est peut-être plutôt sur un “vrai” travail en duo.

Pour parler du livre en tant que tel, au début il y a une scène avec une préparation de café, et là c’est tout comme j’aime : moulin, porte-filtre type V60 et distribution en mode bec de cygne pour finir. Le tout tient uniquement sur trois cases, mais lisant ça au réveil, ça a suffi pour me mettre au max.

Bon, par contre, après il y a une scène avec nos trois personnages principaux : Penny, la fille de 6 ans de Sam et Duncan. Là, j’ai buggé. Sur quelques cases, on passe une journée avec notre petite famille : promenade, retour à la maison, soirée, lavage de dents et dodo. Mais !!!! Elle est où la crise, l’enfant relou qui râle, qui ne fait rien de ce qu’on lui demande, qui s’énerve parce qu’il n’a pas ce qu’il veut ? Un peu de crédibilité, bordel ! Ok, on peut aussi dire que c’est un enfant bien cool qui passe une bonne journée - ça arrive, c’est vrai. Mais ce n’est pas fini ! Que dire de cette scène où les parents se rendent compte que la petite ne peut plus se réveiller… Hééé, mais on est en pleine nuit là ! À quel moment tu vas vérifier si ta fille de 6 ans dort bien en pleine nuit ? Et pire encore, tu vas même tenter de voir si elle peut se réveiller ? Là, soit les parents sont zinzins, soit on est bien sur une scène estampillée zéro crédibilité ! Le fait même qu’elle ne se réveille pas m’a paru bien plus crédible.

Parce que oui, c’est ça la base de l’histoire : une enfant qui ne se réveille pas, et tout ce qui en découle.

On est alors plongé dans une fantaisie d’une originalité rare. On entre dans un monde totalement onirique, jailli de l’imagination d’un enfant, mais traversé par le regard adulte. Et là, les deux dessinateurs s’en sont donné à cœur joie : ça part dans tous les sens, et c’est juste génial. On ne peut vraiment pas dire qu’ils aient négligé leurs efforts : ça n’arrête pas, et les temps calmes ne sont pas légion. Petit détail marquant : d’habitude, DWJ aime glisser de grandes doubles pages muettes et contemplatives. Pas ici. Cette fois, il mise sur des pages simples, façon cover, tout aussi superbes. Et c’est aussi là qu’on sent son trait continuer de s’affirmer.

Au final, on est sur une lecture qui, à bien des égards, reste marquante. Et moi, elle m’a même touché plus fort que je ne l’aurais imaginé, à cause de ce qu’elle raconte. Je ne m’y attendais pas, et je ne veux pas en dire plus pour ne rien dévoiler. Bref, c’est une lecture forte. Et j’ai été surpris de voir DWJ se mettre en mode Tom King pour mettre en scène une famille et les relations qui en découlent. Mes deux auteurs favoris du moment qui se rejoignent, c’est beau ! Maintenant, il est temps pour moi de passer à autre chose dans le monde des comics, et de m’attaquer à un autre grand, avec des lectures de Ram V qui vont arriver.