Regarder un James Bond,c'est comme enfiler une paire de vieilles pantoufles bien confortables.Illico,on est plongé dans un bain de sensations connues et très agréables.Le thème musical de John Barry,les ombres du générique,le pré-générique de folie,ici au Mexique,les James Bond girls canons que le héros va bien sûr se faire,les déplacements incessants aux quatre coins du globe,les course-poursuites haletantes,les méchants machiavéliques qui veulent dominer le Monde,les gadgets rigolos,les cascades spectaculaires,les personnages récurrents,l'humour british distancié traité en mode understatement.C'est toujours pareil et pourtant à chaque fois différent.D'autres lieux,d'autres filles,de nouveaux accessoires technologiques,de nouveaux affreux,de nouvelles chorégraphies.De ce point de vue,"Spectre" respecte le cahier des charges et ne déçoit pas.Sam Mendes,qui avait dirigé "Skyfall",le Bond précédent,reprend du service,ce qui est logique dans la mesure où ce second film est la suite directe du premier,les deux épisodes formant un diptyque,et poursuit l'exploration des origines de 007,y ajoutant une explication de ses rapports avec le sinistre Blofeld,qui dirige la tentaculaire et maléfique organisation nommée Spectre.Mendes ne démérite pas et livre une mise en scène qui ne manque pas d'ampleur.Les séquences d'action survitaminées se succèdent et les images rendent justice à la beauté des nombreux sites visités,de la Fête des Morts à Mexico à Rome by night,des montagnes enneigées d'Autriche à un hôtel miteux de Tanger,du désert marocain aux austères bâtiments londoniens.Bond cavale partout,les combats impitoyables et les rodéos impliquant automobiles,avions ou hélicos s'enchaînent,le réalisateur filmant tout ceci avec maestria,son utilisation des plongées étant notamment efficace et pertinente,tandis que les effets spéciaux cartonnent.Le renouvellement des cadres opéré dans l'opus précédent apporte en outre un vent de fraîcheur bienvenu.Cependant,"Spectre" est inférieur au volet antérieur et reste un Bond assez moyen.Les amours de Bond sont mal gérées.La veuve italienne,personnifiée par une Monica Bellucci bien fatiguée,est expédiée en deux coups de cuiller à pot,ou plutôt deux coups de queue bondienne,et disparait aussi brutalement qu'elle est apparue.La tension érotique entre James et Moneypenny n'est pas suffisamment exploitée.Quant à la mièvre romance entre l'agent secret et Madeleine,elle s'étale en longueur et casse le rythme.Et puis il y a les invraisemblances.Elles font partie de l'ADN de la saga,mais là ça va vraiment trop loin.Bond se pointe,sans aucune protection et avec sa copine,dans le repaire de Blofeld en plein désert,là où son ennemi l'attend avec une flopée de gardes lourdement armés.Et que fait l'ignoble individu?La logique voudrait qu'il fasse mitrailler Jimmy et Mado par ses sbires,et l'affaire serait réglée à son avantage.Mais pas du tout du tout!Il les accueille avec du champagne,leur fait visiter ses installations et leur explique comment il entend mettre l'univers à sa botte.Après seulement il décide de tuer le briton,mais il s'y prend d'une manière si sophistiquée et maladroite que l'autre va s'en sortir les doigts dans le nez et lui avec la gueule brûlée.Et comme ça ne suffit pas,il recommencera plus tard à Londres,lorsqu'il aura à nouveau son adversaire à sa merci.Vraiment trop cons,ces génies du Mal.D'autant qu'il n'arrête pas de prétendre qu'il attendait James depuis longtemps,qu'il était impatient de pouvoir discuter avec lui,alors qu'il a tout fait au préalable pour l'éliminer en envoyant son tueur le plus performant à ses trousses.Après toutes ces tentatives de meurtres ratées,il néglige de pulvériser son ennemi intime sans défense?Va comprendre,Stavros.Et le scénario dans tout ça?Il dénonce fort à propos les dangers du tout-technologique,de l'informatique intrusive,de l'espionnage des citoyens,de la connection universelle,de la manipulation de l'information,de l'utilisation systématique des drones,et souligne le risque que cela ferait peser sur nos démocraties éclairées si une organisation malintentionnée de type mafieux venait à centraliser et à contrôler ce système.Sauf que la réflexion ne va pas assez loin et s'arrête au moment où ça pourrait devenir intéressant.Car ce système est évidemment déjà en place,la mafia est déjà aux commandes,et si ça ne s'appelle pas le Spectre on peut nommer ça l'oligarchie.Ce conglomérat qui brasse le monde des affaires,de la finance,de la banque,de la politique,des médias et du showbiz est au coeur du système,il est le système.Mais ça,forcément,les auteurs ne peuvent pas le dire,vu qu'ils font partie de ce Nouvel Ordre Mondial qu'ils critiquent de manière schizophrénique.Daniel Craig est toujours très à l'aise dans les scènes d'action,mais semble nettement moins motivé qu'avant et parait se lasser d'un personnage qu'il commence à avoir un peu trop joué.Christoph Waltz est comme d'habitude excellent dans son éternel emploi de salaud,mais l'explication de ses liens avec Bond,qu'on comprend longtemps à l'avance,est mal gérée et décevante.Léa Seydoux est divinement belle et tient solidement sa partition.Après sa participation à la franchise "Mission Impossible",elle confirme sa capacité à s'imposer dans le blockbuster d'action hollywoodien.Elle arbore ici quelques tenues qui tiennent plus de l'appel au viol que de l'élément vestimentaire.Il est à noter que son personnage se nomme Madeleine Swann.Madeleine comme la madeleine de Proust,et Swann comme "Du côté de chez Swann".Pourquoi cette bizarre référence à l'écrivain français?Peut-être parce qu'il est beaucoup question du passé des protagonistes.L'ex catcheur David Bautista joue comme une buse mais il est physiquement impressionnant et effrayant,n'étant pas sans rappeler une autre brute épaisse bondienne,le Jaws interprété par Richard Kiel.Quant aux nouveaux comparses,ils font oublier sans peine leurs prédécesseurs.Dans le rôle de M,le supérieur de Bond à qui ce dernier désobéit invariablement,Ralph Fiennes a plus de relief que Bernard Lee et se montre plus crédible que Judi Dench.Ben Whishaw rajeunit le personnage de Q,le bricoleur d'élite du MI5,et son humour file un coup de vieux au compassé,en un seul mot, Desmond Llewellyn.Et la très hot Naomie Harris est nettement plus sexy en Moneypenny que Lois Maxwell.

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le 14 mai 2018

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