Quel gâchis.
C'est immanquablement la première pensée qui m'est venue à ma sortie du cinéma. Encore éblouie du chef d'œuvre et culoté Skyfall, je m'attendais à un nouveau James Bond aussi libéré, excitant et épique que celui que j'étais allée voir deux fois en salle. Et je dois dire que la déception fut à la hauteur de mes espérances. Pourtant, tout ne partait pas si mal. Il faut louer les qualités de réalisateur de Sam Mendes, totalement à la hauteur et capable de porter sur ses épaules le poids d'une telle franchise, rafraîchie grâce à la performance implacable d'un Daniel Craig sexy à souhait. Sa présence, mais aussi celle de Ralph Fiennes, Ben Whishaw et Naomie Harris avait tout pour me rassurer, soulignée par celle de l'immense Monica Bellucci, seule capable de me consoler d'une putain de Léa Seydoux en James Bond Girl.
Car oui, le premier point noir vient bien de cette gonzesse incapable de faire autre chose que paraître triste et mélancolique, bien gaulée et juste rebelle comme il faut. Il faut dire que l'actrice, au talent contestable, n'est pas bien aidée par un personnage fade au possible, fille d'un grand méchant sans une once de charisme, et dont les noms et prénoms sont à vomir. On dépasse l'éculé, à ce stade. Quant à sa romance avec James, inutile de préciser qu'elle est encore plus invraisemblable que les précédentes. Certes, Bond et les zouzes, c'est tout un truc. Mais quand un "Je t'aime" sort des lèvres de l'actrice que je hais peut-être le plus au monde alors qu'elle le connaît depuis deux jours, que le seul lien qu'ils aient réellement tissé ensemble se résume à une capote utilisée dans un train alors qu'elle nous a pompé l'air avec son discours du "Tu me toucheras pas gnagnagna", on n'a qu'une envie : se crever les yeux. On ne veut pas d'une histoire d'amour entre un James Bond et une autre nana. Non. On ne veut pas. On veut qu'il demeure aussi parfaitement inatteignable, aussi cruel lorsqu'il le faut et mystérieux H24. Et c'est également là que le bât blesse.
Le projet de Skyfall consistant à confronter face à face le passé à la fois glorieux et sombre du personnage et l'avenir inquiétant concernant les agents du MI-6 (confrontés aux nouvelles techniques de renseignements et considérés comme dangereux, incontrôlables et désuets par les nouveaux gouvernements), était tout à fait intéressant. Le film réussissait à faire monter une certaine émotion autour de James, sans pour autant faire fondre totalement la glace qui l'entoure. On devinait la tragédie entourant sa vie sans la percer à jour, on se prenait de plein fouet la vieillesse et la lassitude d'un héros tragiquement seul, et c'est ce qui conférait à l'ensemble un élan de fougue retrouvée et de mélancolie esthétique.
Ici, rien ne va plus. Mendes tombe dans le piège tendu par un public élevé aux révélations scabreuses, fervents lecteurs de Public ou Gala et savourant cette époque où tout n'est tragiquement constitué que d'une transparence souvent décevante, gênante ou brutale. A trop vouloir creuser dans le passé de Bond, on ne récolte que des méchants de carton, dont un campé par Christoph Waltz à deux à l'heure et qui a l'air de se faire chier comme un rat mort. Pas deux fois le coup d'Hans Landa, Chris. Pas deux fois. Monica Bellucci est sous-exploitée au point que j'ai réellement cru à une plaisanterie de mauvais goût. Là où les interviews se targuaient de faire intervenir pour la première fois une femme d'âge mûr (tout en profitant des courbes et du jeu splendide et tout en grâce de l'éternelle égérie), l'actrice ne figure que cinq risibles minutes à l'écran, ce qui à mes yeux demeure scandaleux.
Quant au reste du casting, il y a à boire et à manger. La performance d'Andrew Scott plus que dispensable ne parviendra pas à faire sortir l'acteur du carcan dans lequel l'a enfermé Sherlock, et qui visiblement semble parfaitement lui convenir. Fiennes reste british à souhait, parfait dans le rôle d'un M à la fois sévère mais juste, capable de reconnaître ses erreurs tout en faisant passer l'agence et le bien de ses subalternes en premier. Moneypenney demeure sous-exploitée, mais quelques bonnes répliques et une présence intelligente rattrape le coup, tandis que Ben Whishaw continue de me faire penser qu'il ne pouvait y avoir meilleur acteur que sa gueule de minet pour interpréter un Q-cul serré (pardon.) et dont le tandem formé avec Bond fonctionne à tous les coups.
Une intrigue noirâtre, cherchant à jouer sur les James Bond précédents et s'accrochant trop fermement à l'héritage de Skyfall laisse donc un goût amer, à la sortie de Spectre. Le divertissement est là, et les scènes d'action continuent de ravir l'œil. La chanson de Sam Smith est un tour de force et, ici, peut succéder avec honneur à celle d'Adèle. Craig continue d'incarner à l'écran le meilleur et le plus crédible des James Bond à mes yeux, n'en déplaisent aux puristes, ce qui justifiera sans doute cette note généreuse.
En attendant 2019, Sam.