C'est un documentaire où Raymond Depardon, sans aucune voix off, va nous laisser apercevoir douze procès dans un tribunal correctionnel, le plus souvent des petits délits (outrage à agent, conduite en état d'ivresse, port de petites doses de drogues, harcèlement), dans le sens où ils n'ont jamais mené à la mort des victimes.

Afin de protéger l'anonymat des personnes jugées, tous portent des noms fictifs. De plus, sans doute pour éviter toute subjectivité, la caméra ne filme que la juge (qui sera toujours la même) et les les présumés coupables.
Il en résulte un documentaire fascinant, où les affaires s'égrènent à un rythme soutenu, et où on remarque le caractère impassible, voire ironique de la juge, comme si elle était au-dessus de ces gens.
Je ne connais pas trop cet univers-là, mais il est révélateur de voir que les personnes ne parlant pas très bien français paraissent automatiquement désavantagées. Durant le docu, plusieurs personnes étrangères sont jugées, et quasiment tous bafouillent des mots de français, ou du moins n'ont pas le langage facile.
Malgré la présence de l'avocat, ils ont du mal à défendre leur cause, et ce sont souvent eux qui trinquent le plus.

Sur les douze affaires que l'on voit, l'avant-dernière, qui concerne un sociologue, est très intéressante, car cet homme va être le seul à asticoter un peu la juge, et où cette dernière va un peu sortir de ses gonds.
Se défendant seul, sans avocat, il lui est reproché le port d'un Opinel. Celui-ci va citer les textes de loi prétextant que le couteau qu'il porte n'est pas dangereux et ne rentre pas en compte en tant qu'arme blanche. Est-ce vrai ou non, je ne sais pas, mais c'est le moment du film où l'on assiste à une véritable confrontation entre le jugé et la juge, celle-ci se montrant presque arrogante à son égard en prétextant qu'il "ne va pas lui apprendre son métier". D'ailleurs, contrairement à d'autres affaires dans le docu, on ne connaitra pas le jugement.

C'est aussi l'occasion de voir les peines que les gens encourent, et si certains prennent des sanctions légères (amende ou retrait de permis de conduire durant quelques mois) avec sagesse, la peine de prison (ferme ou sursis) est visible comme la foudre qui leur tombe sur la tête. Ce sont surtout ces moments-là qui sont durs à voir, car la peine qu'ils expriment est terrible.

Voilà un formidable documentaire, qui ne se permet pas d'émettre une opinion, et qui en même temps laisse planer une vision terrible de la justice française.

Créée

le 6 févr. 2014

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Boubakar

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