Applaudis à tout rompre et couronné du grand prix au précédent festival de Cannes, 120 battements par minute est une fresque militante (au sens le plus salutaire du terme) à travers laquelle son réalisateur Robin Campillo retransmet sa jeunesse agitée par ses combats au sein de l'association de lutte contre le sida Act Up-Paris. Un grand film sociétal et positif face à la possibilité de la mort, qui s'impose en toute logique comme un événement majeur du cinéma français.


« Ensemble, nous pouvons unir nos forces contre l’indifférence générale, contre l'épidémie et aux problèmes sociaux qu'elle engendre. Nous pouvons construire une communauté capable d'adopter à l'égard de la maladie une attitude positive et combative... ». C'est sur ce poignant discours prononcé par un activiste LGBT que je découvrais, enthousiaste, la bande annonce de 120 battements par minute. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle s'avère parfaitement représentative du propos et de ton général du film, puisque tout d'abord, le scénario évite tous pièges auxquels il aurait pu céder face à une telle hécatombe (pathos, obscénité, culpabilisation...), pour au contraire nous situer du côté des vivants, des militants qui se battent, continuent d'aimer, de baiser, de danser en boite et qui jamais ne baisseront les bras («...attitude positive et combative »).


Ensuite, il y a ce « Ensemble » qui va de pair avec la force de vie du long-métrage, ce sens du collectif qui vient alimenter une libération de la parole, un flow constant de débats et de rhétorique lors d'assemblées ou de manifestations, avec lesquelles se dessinent une multitude de personnages extrêmement bien écrits, parmi lesquels deux mères bouleversées par la maladie de leurs fils, une activiste déterminée (naturellement interprétée par Adèle Haenel) et bien sûr le triangle amoureux que forment Sean, Nathan et Thibault, sous les traits de trois jeunes acteurs transcendants de charme et de justesse : Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois et Antoine Reinartz.


Une série de portraits sur lesquels Campillo prend le temps de s'attarder à des moments propices, passant ainsi du groupe à l'intime avec une maestria remarquable. Les exemples le plus probants seraient entre autres les scènes de sexe, filmées, dans un premier temps, avec une pudeur et une douceur inespérée, puis dans un second temps, telle une résurrection pour un personnage qui se meurt du sida.


Que ce soit pendant les moments intimistes ou de tchatche collective, d'action ou d'émotion brute, la mise en scène trouve toujours le ton juste entre une esthétisation discrète (gros plans, ralentis, moments oniriques...) et un aspect naturaliste (caméra portée, dialogues énergiques...), pour reconstituer avec une certaine acuité le contexte des année 90, capter au plus près des corps et des gestes la nervosité et la sensualité de chacun. La magie opère jusqu'à un dernier tiers déchirant, qui nous laisse sans voix (...et en larmes), mais avec une pulsion revigorante de vivre, de se battre et d'aimer. L'accélération cardiaque du titre a bel et bien eu lieu.

Amaury-F
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le 28 août 2017

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Amaury F.

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