La meilleure campagne de prévention contre le SIDA au monde

Auréolé de son Grand Prix du Jury au Festival de Cannes et supporté par une critique dithyrambique, 120 Battements par minute se présente enfin à nous. Un peu découragé par sa durée (2h20) et par son étiquette "film français", j'ai néanmoins fait l'effort de m’engouffrer dans la salle afin de voir de quoi il retourne. Bilan ?


A tous ceux et celles qui, à mon instar, peuvent craindre la durée du film, soyez en rassurés : on ne voit pas le temps passer. 120 Battements par Minute est une merveille d'écriture et de rythme, tandis que la première scène consiste à une Réunion Hebdomadaire (RH) d'Act Up s'étirant sur 15 minutes. Cette ouverture installe parfaitement les enjeux et les personnages, servis par une interprétation incroyable de justesse, de sensibilité. Le fait que les acteurs soient pour la plupart quasi inconnus du public contribue énormément à l'attachement que l'on va ressentir. A bien des égards, les acteurs ne jouent pas les personnages, ils sont les personnages. L'urgence de leur situation est elle aussi très bien retranscrite : on adhère à leur cause.


120 Battements par Minute m'a particulièrement touché de part la retranscription des relations homosexuelles qu'il dépeint. Jusqu'à présent, mon maitre étalon était L'Inconnu du Lac d'Alain Guiraudie, quoique les scènes de sexe était très crues, aspect justifié de par le fait qu'il s'agit d'un thriller. Dans 120 Battements par Minute, Robin Campillo parvient à faire des personnages pour qui s'aimer est naturel : on échappe à l'habituelle étape de transgression que peut représenter une romance gay. Ceci me parait important dans la mesure où notre environnement culturel va peut être enfin finir par mettre en scène des couples qui s'assument et qui surtout ne jurent pas dans la société. Autrement dit, l'homosexualité peut devenir quelque chose de "normal" et d'accepté, en opposition à des décennies de représentations caricaturales voir à charge. Il serait peut être temps d'arrêter de la traiter comme un tabou à vaincre et désormais comme un élément de notre paysage sociétal et culturel. Chose que 120 Battements par Minute réussit très bien. D'autant plus que le sujet n'est pas l'homosexualité, mais bien la lutte contre le SIDA. Campillo n'est pas bête et sait pertinemment que c'est un défi qui concerne bien plus que la communauté homo. Il ne se plante pas de sujet et l'homosexualité de ses personnages principaux n'est en fin de compte qu'une caractéristique, et non pas le propos du film.


120 Battements par Minute est sans aucun doute un grand film, d'une finesse irréprochable dans le traitement de son sujet. Il sait taper là où il faut en fonction des émotions à faire ressentir, grâce à de grands acteurs, une grande écriture, une grande réalisation. On s'attache à tout ce petit monde qui peut nous paraitre à des années lumières de nos problématiques quotidiennes. Comme le dit si bien Sean dans le film, quand on est séropositif (dans les 90's mais c'est aussi applicable en partie de nos jours), on est avant toute chose séropositif : être malade, pour eux, c'est aussi leur statut. A un point que le film ne les mets en scène que dans des cadres liés à Act Up ou au SIDA de façon plus large. En terme de ressenti, c'est comme si leur vie, c'était leur maladie. On ne ressortira surement pas de la salle avec la banane, mais certainement avec de l'espoir, celui d'aller de l'avant.


Petit blâme en revanche : la peinture faite de la compagnie pharmaceutique. Qu'elle soit totalement en tort ne fait aucun doute, cependant qu'elle soit aussi "méchante", c'est assez dingue. Qu'un film aussi juste dans son propos se permette d'être manichéen à ce point, c'est sidérant. Je veux croire que du point de vue des personnages, cette compagnie représente un ennemi redoutable et inflexible, mais apporter un peu d’ambiguïté là-dedans aurait été bienvenu. Mais qu'importe, 120 Battements par Minute reste un grand film.

remimazenod
8
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le 10 sept. 2017

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Rémi Mazenod

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