"De l'homme à l'homme vrai, le chemin passe par l'homme fou." C'est par cette citation de Michel Foucault que Depardon introduit son magistral nouveau documentaire.
Il y a dans ce film une humanité qui nous explose à la gueule.
A travers le portrait de 10 malades au discours sans filtre, c'est la société toute entière qui est radiographiée ici. Le film va au delà d'une simple compilation d'entretiens entre un malade et un juge, il permet également d'appréhender des sujets de société très durs (le harcèlement au travail, le terrorisme, le viol...) et d'établir un portrait très nuancé et bienveillant de chaque personne. Des questions nous reviennent forcément : Nait-on fou ou devient-on fou? Même si le film ne tente pas d'y répondre (on laissera les neuro-psychiatres en débattre), on ne peut s'empêcher de trouver des liens entre l'actualité sociale, les malades et leur vécu (lien de cause ou lien de conséquence?).
C'est évidemment un film sur l'enfermement, la folie et les limites de la justice.
L'enfermement est bien illustré par le dispositif de Depardon très structuré (série d'entretiens filmés en intérieur à 3 caméras avec toujours les mêmes axes de prise de vue) et par ses scènes dans les couloirs et en extérieur où le regard se heurte toujours à une fenêtre, une porte ou un grillage. Même les entretiens eux-même sont organisés de manière quasi-identique et semblent voués à la même issue.
On est d'ailleurs en droit de se demander qui des hommes, de la société ou des institutions est le plus malade. Et la justice semble parfois bien embarassée pour gérer ce genre de situations. Mais Depardon ne juge pas et porte également un regard plein d'empathie à ces magsitrats et ces avocats. Ca a toujours été sa grande force, aussi bien dans ses fims que sur ses photos. La distance qu'il garde avec son sujet est admirable.
Et surtout il n'oublie jamais de faire du cinema dans son documentaire. Les scènes de dialogues sont habilement entre coupées par de magnifiques plans fixes de l'institution ou des environs en plein mois de décembre, ou de longs travellings angoissants (très beau travail sur le son également). La très belle partition d'Alexandre Desplat contribue également à insuffler un souffle de mélancolie et d'étrangeté.

Kassopuccino
9
Écrit par

Créée

le 17 avr. 2019

Critique lue 387 fois

2 j'aime

Julien Martin

Écrit par

Critique lue 387 fois

2

D'autres avis sur 12 jours

12 jours
Morrinson
6

Justice robotique et incompréhensions réciproques

Si l'on n'attendait pas le Raymond Depardon des années 2010 du côté du Frederick Wiseman des années 1960 (on pense à Titicut Follies, en 1967), il y a tout de même matière à être un peu déçu par ces...

le 31 janv. 2018

17 j'aime

13

12 jours
RichardRichter
8

Douze

Le film a une résonance particulière puisqu'en tant qu'étudiant en médecine, j'ai eu l'occasion de faire un stage dans l'un des services dont on voit les images dans ce film. Par ailleurs, bien...

le 3 déc. 2017

13 j'aime

1

12 jours
AnneSchneider
8

Frontières

Tout est affaire de frontières, de limites, dans ce nouveau long-métrage, saisissant, de Raymond Depardon : - Le titre, d’emblée, rappelle la durée à ne pas dépasser pour qu’un juge auditionne une...

le 17 déc. 2017

12 j'aime

12

Du même critique

Le Bureau des Légendes
Kassopuccino
9

Entrer dans la légende (saison 5)

C’est peu de dire que cette série aura marqué les esprits, que ce soit en France (meilleure série française de tous les temps ???), ou à l’international où elle impressionne également (le New York...

le 5 mai 2020

7 j'aime

Douleur et Gloire
Kassopuccino
8

Todo sobre mi Pedro

Film-somme aux raisonnances multiples. Par le biais d’un récit non linéaire mais toujours fluide et pertinent, Almodovar essaye de remonter aux origines de son personnage principal : origines de son...

le 18 mai 2019

4 j'aime

Paterson
Kassopuccino
8

Only Poets left alive

C'était l'un de mes chouchous du Festival de Cannes 2016 et il est réalisé par l'un de mes chouchous (Jim Jarmusch). Oui, deux chouchous pour le prix d'un. Et on m'aurait même caché son nom au...

le 17 avr. 2019

4 j'aime