Kevin Reynolds grossit parfois le trait, c’est certain. L’enseignement tel qu’il le dépeint peut sembler irréaliste, presque dystopique. Pourtant, difficile d’ignorer ce qu’il cherche à montrer: une fatigue morale bien réelle, celle d’enseignants qui, au quotidien, affrontent l’indifférence, l’incivilité ou la violence de jeunes à qui l’on n’a jamais appris à vouloir apprendre. Le film force le trait, oui, mais il s’appuie sur un malaise tangible: beaucoup d’enseignants quittent la profession, refusent d’exercer dans certains quartiers brûlants où des micro-pouvoirs imposent leurs propres règles.
187: Code meurtre dresse ainsi le portrait d’une Amérique livrée à ses fractures, sans humour pour adoucir le constat. Une approche radicalement opposée aux comédies françaises comme Les Profs (2013) ou Les Profs 2, qui tournent l’école en dérision et masquent les difficultés structurelles sous une couche de gags. Là où ces films choisissent la facilité, Reynolds choisit le drame. Il rappelle que la vie ne se laisse pas enjoliver: on ne traverse pas une salle de classe comme un sketch. On y survit, parfois.
Le scénario de Reynolds reste classique, mais sa mise en scène, âpre et nerveuse, donne une densité inattendue à ce récit de décrochage moral. Samuel L. Jackson porte le film avec une gravité impressionnante: son professeur épuisé avance comme un homme au bord du précipice, partagé entre son amour du métier et l’impossibilité de continuer à l’exercer dans un système à bout de souffle. Il se replie alors vers quelques élèves motivés, comme s’il cherchait à préserver les braises d’un savoir menacé d’extinction.
Le film, très américain dans son ADN, explore aussi un tabou national: la montée d’une violence telle qu’un professeur sur trois se dit tenté de porter une arme. Le Bronx n’est pas une fable, et certaines scènes s’inspirent de situations réellement documentées. Et si cela peut sembler extrême vu de France, l’Éducation nationale n’est pas non plus épargnée: depuis quarante ans, les signaux d’alerte s’accumulent.
Reste la fin, inutilement moralisatrice, typique d’un Hollywood qui cherche un dernier frisson symbolique. La réalité, elle, est moins propre, moins consensuelle, moins consolante.