On devait déjà à Sam Mendes American Beauty et Les Sentiers de la Perdition: pas franchement des films anecdotiques donc...après deux James Bond consécutifs, le réalisateur britannique change complètement de cadre avec 1917, un film en hommage et inspiré par les récits de son grand-père, décédé en 1991, qui avait lui-même servi sa patrie lors du premier conflit mondial.
1917 ouvre sur le paysage d'une paisible et verdoyante prairie de la Somme. Deux tommies achèvent leur sieste sous un arbre. Cette brève première séquence sera le dernier moment de sérénité des soldats Blake et Schofield. Bientôt, un officier leur demande de s'activer: ils doivent rencontrer le général Erinmore en personne, du sérieux donc. Ce dernier leur explique que le 2e Bataillon du Devonshire s'apprête à lancer un assaut contre les positions allemandes qu'il pense affaiblies. Or, il s'agit d'un piège qui pourrait bien coûter la vie à près de 1600 hommes s'ils ne sont pas prévenus à temps.
Dans leur retraite volontaire, les troupes du Kaiser ont détruit tout ce qu'elles pouvaient, y compris les précaires moyens de communication existants. La seule solution est donc d'envoyer des hommes remettre l'ordre d'annulation en mains propres.
Nos deux jeunes caporaux sont désignés "volontaires". Il faut dire que Tom Blake se voit particulièrement concerné par cette mission, puisque son frère figure parmi les soldats du bataillon en péril. Mais pour remplir leur mission, ils ont peu de temps et le chemin qui les mène jusqu'à Écoust-Saint-Mein (ou ce qu'il en reste), n'aura rien d'une ballade de santé.
L'un des choix forts de Mendes pour 1917, est d'avoir renoncé à un casting clinquant. Avec 90 millions de dollars de budget, il aurait sûrement pu s'offrir le luxe d'une star. Difficile de dire si cette absence sera préjudiciable à l'attractivité de son film vis à vis du "grand public", pourtant, en recrutant Dean-Charles Chapman (Tommen Baratheon dans Game of Thrones) et surtout George Mackay (Bodevan dans l'excellent Captain Fantastic en 2016), Mendes s'est entouré d'acteurs talentueux qui incarnent néanmoins davantage des "troufions de base" que des héros de guerre. Des gamins qui se retrouvent loin de chez eux, risquant chaque jour leur vie pour un conflit qu'ils comprennent à peine.
Le spectateur est presque le 3e soldat de cette mission suicide, tant la caméra est constamment au cœur de l'action. C'est peu dire que la mise en scène de 1917 est impressionnante et immersive. Mendes a opté pour une technique qui consiste à enchaîner une série de plans-séquences, qui sied parfaitement à l'urgence qu'il a cherché à véhiculer.
Pendant deux heures, le spectateur est constamment sous tension, comme s'il était lui aussi au cœur du no man's land, portant le fardeau de milliers de vies à sauver alors que la sienne ne tient elle-même qu'à un fil.
Plus généralement, 1917 est une merveille visuelle, qui n'a néanmoins rien de la "démo technique". On sent que l'approche n'a jamais été de faire du "grand spectacle" et de noyer le spectateur sous un déluge d'explosions et d'effets spéciaux.
Pourtant, la reproduction des tranchées, des champs de bataille ou des villes en ruines est impressionnante. Par ailleurs, le film offre également trois ou quatre scènes absolument bluffantes, mais strictement au service de l'oeuvre et du scénario.
La lumière, elle, est aussi de toute beauté.
1917 n'est pas vraiment un film d'Histoire, il ne rentre d'ailleurs jamais dans les détails du conflit, tout juste fait-il référence, parfois, à certains lieux ou événements.
En réalité, il dépeint surtout, à travers les yeux de ses héros anonymes,ce que fut la "der des ders", à savoir une accumulation de décisions absurdes et un immense gâchis humain et environnemental, et ce grâce à une mise en scène de très haut niveau et une conclusion douce-amère particulièrement inspirée.
Les esprits les plus chagrins souligneront quelques invraisemblances, qui sont bien réelles. On pourra également arguer que les compositions de Thomas Newman ont déjà été plus marquantes, oui. Mais tout cela ne pèse pas bien lourd à l'heure du bilan: 1917, au même titre que Full Metal Jacket, Il faut sauver le Soldat Ryan ou plus récemment Dunkerque pour ne citer qu'eux, n'est rien de moins qu'un des plus grands films de guerre contemporains et sans aucun doute, un des plus mémorables de ces dernières années, tout genre confondu.