A peine sorti de quatre années de commémoration de la Grande Guerre on pensait que tout avait été dit sur le sujet. Et pourtant le film de l'auteur des deux derniers James Bond déboule sur les écrans avec l'ambition de montrer cette guerre comme on ne l'avait jamais vue : à hauteur d'homme, dans un enchainement de plan-séquences qui donnent l'impression d'une immersion complète, avec un astucieux défilement de différents niveaux de la quête qui propulsent le héros jusqu'à la case finale à travers des rebondissements pour le moins explosifs. Tout cela fonctionne bien, le pari est tenu et le spectateur en a pour son argent, exactement comme dans un James Bond. Non seulement la machine à divertir marche à fond mais encore le contexte factuel est traité avec soin, laissant supposer une expertise historique solide dans l'entourage de la réalisation. La traversée du no man's land, la visite des tranchées allemandes (bien mieux équipées que les anglaises) et surtout la préparation de l'assaut du 8e Devon sont d'un réalisme inaccoutumé. D'autres scènes moins militairement techniques sont tout aussi réussies comme l'arrivée dans la ferme abandonnée au milieu des cerisiers en fleurs en préambule à un des passages les plus durs du film.
Pourtant, il manque quelque chose pour qu'on adhère à ce qui se passe sur l'écran parce que ce n'est pas la même chose que de raconter une histoire dans une fiction, comme dans un James Bond par exemple et de faire œuvre historique en mettant en scène des évènements réels. Qu'importe le nombre de morts et d'horreurs exposées si le mécanisme qui capte l'attention fonctionne comme une partie d'un jeu que l'on peut recommencer à volonté ? Il en découle une indifférence à l'égard de la mort au combat qui est l'étoffe des héros ainsi que le ressort des propagandes militaristes. Dans ce film où n'apparaît aucun Français et où les Allemands sont présentés comme des Orques passe le souffle d'une Angleterre plus fière d'elle-même que jamais.