Mike Mills est un cinéaste encore peu connu, qui commence doucement mais surement à faire parler de lui. Après un premier long métrage en 2005, Thumbsucker, et quelques courts métrages, il s'est vraiment fait connaître en 2011 avec Beginners, une dramédie sympathique mené par Ewan McGregor. Très vite Mills s'est imposé comme un cinéaste de l'esprit libre cherchant à briser les normes imposées par la société traitant de sujets tels que la sexualité mais surtout la barrière de l'âge. Ces films prenant la forme d'une conversation entre plusieurs générations qui sont contraints d'évoluer ensemble et donc cherche à se comprendre. Son dernier film, 20th Century Women baigne dans cette esprit libertaire et offre un portrait générationnel revigorant.


Avec l'aide d'un excellent casting, où Annette Bening (malheureusement un peu oubliée ces dernières années) démontre encore une fois être une actrice indispensable au cinéma, le scénario brosse le portrait de 5 personnages totalement attachants. Trois portraits de femmes d'une finesse admirable qui explorent l'apprentissage des générations, où l'ancienne qui n'arrive plus à suivre le monde qui l'entoure décide de céder son pouvoir à une jeunesse qui affirme ses convictions. Il y a quelque chose de très symbolique autour de cette mère trop âgée pour élever son fils et qui demande à deux femmes plus jeunes de le faire avec elle. Car nous ne sommes pas élevés par des hommes ou des femmes mais avant tout par des idées. Cette mère de famille à évolué dans un autre temps, et suite à la révolution sexuelle et à la liberté des mœurs, elle ne sait plus vraiment comme transmettre son traditionalisme sans que celui-ci devienne une entrave. C'est peut être le personnage le plus complexe du film, qui au delà de son ouverture d'esprit incroyable, s'érigeant comme l'avant-garde de la femme libérée, elle reste aussi un produit de son temps et garde une vision un peu vieux jeu de ce que doit être la vie. Pourtant 20th Century Women évite avec habilité le manichéisme entre ce qui est dépassé et ce qui doit être encouragé. La jeune génération présentée n'est pas stable, elle se cherche encore et malgré ses bonnes volontés trébuche face à son excès de zèle.


La femme libérée incarnée par Greta Gerwig malgré ses idées qui façonneront le monde tel qu'il évolue aujourd'hui, elle subit le contre-coup de la génération punk. Bien trop insouciant d'elle-même pour vraiment faire la différence mais posant les bases d'un vent de révolte qui portera ses fruits. Le féminisme étant quelque chose qui commence seulement à vraiment faire parler de lui. L'adolescente tourmentée incarnée par une très juste Elle Fanning, n'en connait d'ailleurs pas tout les biens faits même si elle commence à la vivre à travers sa sexualité. Une sexualité d'ailleurs traité de manière instable et chaotique qui véhicule plutôt bien la passion enivrante et incontrôlable d'une génération qui tente de s'affirmer. Et plus que de parler à travers les générations, 20th Century Women est aussi une oeuvre qui parle à travers les sexes s'imposant comme un récit autant féminin que masculin. L'enjeu même du film est d'ailleurs d'ouvrir l'esprit d'un jeune homme à ce vent libertaire qu'il pourra transmettre à son tour. On a presque le sentiment que Mills nous parle de lui à travers ce film, de son vécu et de ce que lui ont appris les femmes de sa vie pour qu'il puisse nous l'apprendre aussi à nous. Il transmet avec beaucoup de sobriété le flot peu maîtrisable d'informations que doit gérer l'adolescent, qui doit aussi faire le tri avec les erreurs de sa génération mais aussi celle de la précédente. Ici l'humain est tout aussi destructeur que source d’enseignement et malgré ses bonnes volontés, il répète aussi les mêmes erreurs. La fin est d'ailleurs plus amère qu'on aurait pu le croire. Elle tranche avec l'humour et la douceur du reste à travers le destin pas aussi lumineux que les personnages s'étaient imaginées pour eux-mêmes.


Malgré toute ses qualités, 20th Century Women reste perfectible sur quelques points. Au delà de quelques bonnes idées visuelles, Mike Mills offre une mise en scène minimaliste et attendue notamment dans son envie de paraître cool. A travers sa sélection musicale et ses passages plus teen movie, il cherche grossièrement à mettre le spectateur dans une zone de confort et à tendance à répéter ses effets. Comme des passages où l'image se distord et s’accélère pour offrir un joli effet psychédélique mais qui est utilisé à de biens nombreuses reprises. On sent l'envie d'évoquer le documentaire Koyaanisqatsi de Godfrey Reggio mais cela manque de subtilité surtout quand le film se permet de mettre des passages du documentaire pour appuyer son propos. Le plus gros défaut de 20th Century Women sera d'ailleurs là. Il se repose bien trop ses références et se sent toujours obligé de matérialiser ses idées à travers des œuvres déjà existantes . On ne compte plus les scènes où les personnages vont lire des passages de livres soulignant le message que la scène précédente nous faisait déjà passer.


20th Century Women est un bon film. Souvent drôle et très touchant, il s'impose comme une oeuvre haute en couleurs et pétillante qui est rafraîchissante dans le paysage cinématographique. Le film n'en reste pas exempts de défauts en raison d'un manque de subtilité évident, d'une tendance à la citation pouvant agacer et une réalisation quelconque qui recycle les codes des productions indépendantes US. Pourtant avec son excellent casting et sa belle sincérité, 20th Century Women trouve le moyen d'apparaître comme un vrai vent de liberté dont il serait dommage de se priver.


Ma critique sur Cinephilia

Créée

le 28 févr. 2017

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8 j'aime

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