En toute franchise, je pense avoir des goûts très hétéroclites en termes de cinéma. Du nanard des ténèbres au chef d’œuvre intergalactique en passant par le blockbuster pas subtil, tout peut trouver grâce à mes yeux à condition de se pointer au bon moment et dans les conditions adéquates. Ce n'est pas moi qui vous l'apprendrai, s'élever l'esprit, c'est bien, mais ça demande un minimum d'attention de la part de neurones qui n'y mettent pas toujours du leur, à croire que le cerveau est bourré ras la boite crânienne de jeans-foutre mollassons qui passent leurs journées à jouer au baby-foot en fumant des pilons... De fait, suite à une trop longue exposition à des scénarios de qualité (1), les dits jeans-foutre soupiraient après un congé bien mérité. Il était temps de refaire un tour au joyeux pays de la mort cérébrale, et c'est ainsi le plus naturellement du monde que je me tournai vers 301 (2), suite aussi veine que tardive d'un film qui, en son temps, ne m'avait pas marqué par sa subtilité.

Dès le début, alors que je baguenaudais sans me douter de rien à travers le labyrinthe de couloirs nus et silencieux du cinéma, de fétides effluves commencèrent à me titiller les narines. En chemin, je croisai la route erratique d'une poignée de bougres au visage décomposé clopinant gauchement en direction de la sortie. Toutefois ce n'est qu'une fois arrivé devant la porte de la salle, face à un tableau à peu près aussi navrant que celui du radeau de la méduse - mais sans radeau, et sans océan - que je compris d'où ils sortaient. Entre temps l'effluve s'était faite puanteur. Ne me laissant pas impressionné pour autant, j'enjambai le corps sans vie d'un type ressemblant à s'y méprendre au Joueur du Grenier et pénétrai dans l'antre de la bête. A l'intérieur, de profondes griffures marquaient de toutes parts les parois de moquette capitonnées et certains sièges avaient été saccagés. Entre les rangées gisaient ça et là des cadavres exsangues, les poignets cisaillés et la figure figée dans un masque de répulsion. A ce moment, j'avoue bien piteusement que je n'en menais pas large. Pour tout dire, je commençais sérieusement à me sentir tel un Persée d'opérette qui, au beau milieu de l'antre de Méduse, s'apercevrait qu'il a oublié son bouclier miroir. C'est alors que je parvins enfin à mettre un nom sur l'ignoble fragrance. Aucun doute possible, ça sentait bel et bien l'arnaque.

300 racontait, au ralenti et en sépia, la lutte héroïque et vouée à l'échec de l'amicale des mannequins des trois suisses - rubrique sous-vêtements - face à une armée de chats persans trois cent fois plus nombreuse. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, 301 n'en constitue ni la suite, ni le prequel, parce que non madame, ça serait trop banal. Bien plus inspirés que le commun de leurs confrère, les scénaristes ont eu la riche idée de nous pondre une intrigue se déroulant à la fois avant, pendant et après celle de son prédécesseur (3), et quand je dis intrigue, c'est vraiment, mais alors vraiment pour être sympa car s'il y a bien une chose que le film ne fait pas, c'est intriguer qui ou quoi que ce soit. En plus de se demander ce qu'il fout là, l'infortuné spectateur - qui l'a tout de même bien cherché - sera bien plus occupé à se fabriquer un canif avec une vieille boite de pop-corn pour se tailler les veines au plus vite. Plus sérieusement, huit ans après un film qui, s'il ne brillait pas par son bon goût, avait au moins le mérite de proposer une esthétique originale, aussi bien dans la photographie que dans la mise en scène, 301 ne change pas la recette d'une virgule. Le problème, c'est que les ralentis poseur et la violence gratuite, on a eu le temps de s'y habituer depuis, voire de s'en lasser, assez en tout cas pour que ce spin-off du pauvre ait pour les yeux autant d'impact qu'un pétard mouillé pour les oreilles.

Faire aussi pire, c'est déjà pas si mal, mais si vous pensez que Noah Murro s'est arrêté là, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. Tel un véritable pionnier des temps modernes, l'homme a pris son courage à deux mains et, serrant bien entre ses petits doigts potelés le vieux glaive rouillé et le bouclier en peau de vachon de son grand-père chasseur de dindons, il s'enfonça sans sourciller dans les abîmes de la médiocrité. Peut-être considériez-vous que 300 était un tissu d'incohérences ? C'est bien simple, s'il existait un métal incarnant toute la substantifique moelle de l'invraisemblance, 301 serrait forgé dedans. Du début à la fin, le film s'entête à conforter son statut d'injure à l'intelligence humaine (4). Je ne suis pas expert en matière de stratégie militaire mais selon moi, un général assez brillant pour mener une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes devrait avoir àcœur de rester bien à l'abri derrière le bouclier de ses troupes pour éviter d'être pris pour cible ou, à tout le moins, s'il voulait donner du cœur à l'ouvrage à ses soldats, il se jetterait dans la bataille avec eux en pensant au préalable à mettre son armure. Et bien non, dans le joyeux pays de la mort cérébrale, le général, il se plante comme une fleur et en chemisette sur le pont d'un bateau situé pile à portée de flèche de la rive, avec quelques éclaireurs maladifs devant et les 99.9% restant de son armée derrière. Oh et puis bon, au diable l'avarice, pourquoi ne pas aller jusqu'à tourner le dos à l'ennemi, juste pour rigoler. Avec autant de précautions, ce serait vraiment jouer de malchance que de se prendre une flèche dans le buffet...

Le film a commencé depuis à peine trois minutes et ceci n'est que le début d'une liste plus longue et nocive pour le parquet que les dents de Jean-François Copé. Et notez que je ne mets même pas dedans les entorses à l'Histoire ou aux lois de la physique, sur lesquelles il serait bien mesquin de s'arrêter dans un film pareil. Non, l'équipe de charlots responsable de ce petit bijou cinématomerdique n'a besoin de personne pour se tirer une balle dans le pied toute seule comme une grande avec son propre scénario, allant même jusqu'à contredire ce dernier par l'image, d'une scène à l'autre. Si encore les fiers guerriers grecs étaient présentés comme des héros mythiques à la force surhumaine, peut-être pourrait on croire qu'ils fussent capable de faire fuir une centaine de galions avec vingt coques de noix, mais non, le protagoniste (5) nous le répète tant et plus, ce ne sont que des paysans. Oui, tout à fait, des paysans, avec leur carrure de statue grecque, leur torse glabre et huileux et leur efficacité au combat. Et je ne mentionnerai même pas l'abracadabrant deus ex machina final, qui accompli tout de même l'exploit de rendre vain tout ce qui a précédé.

Incohérent jusqu'au trognon, dépassé, pas impressionnant pour un sou, du moins au-delà de sa photographie, et incapable de nous faire ressentir là moindre empathie envers ses personnages (méchants comme gentils) ni le moindre intérêt pour son intrigue, 301 est un film creux dont les scènes ne sont pas pensées pour faire partie d'un tout homogène et qui pourrait presque prétendre au titre de nanard, sauf qu'il n'est même pas assez moche pour qu'on en rigole - il n'y a d'ailleurs pas le moindre pet d'humour, le film se prends au sérieux du début à la fin. Pour finir sur une image évocatrice, 301 est un peu à l'image d'un étron. Long, chiant (voire chié) et à son contact, bien aguerri sera celui qui pourra s'empêcher de froncer les narines.

(1) Courrez voir Only Lovers Left Alive tant qu'il est encore temps, ne faites pas l'impasse sur The Grand Budapest Hotel ou savourez Diplomatie, mais évitez comme la peste le résidu de chasse d'eau évoqué dans cet article. Sincèrement, il n'y a aucune raison de vous infliger ça...

(2) Dont le véritable titre est 300 : La Naissance d'un Empire, mais comme ça n'a strictement rien à voir avec ce qui se passe dans le film, ils peuvent bien aller se faire voir chez les grecs.

(3) Mais pas dans une autre dimension, c'est toujours ça de pris.

(4) A tel point que mon confrère l'Odieux Connard devrait à mon avis s'épargner la critique de ce sinistre navet. Connaissant son pointillisme à outrance, il risquerait de nous faire une syncope.

(5) A la noix lui aussi, avec une caractérisation digne d'un hanneton, et ce serait une insulte pour le coléoptère. Sérieusement, le type n'a aucun être cher à défendre, pas la moindre étincelle de désir personnel et encore moins de défaut tragique. Il se contente de défendre bêtement et sans la comprendre une notion (la liberté) qui n'est pas esquissée l'ombre d'une seconde dans le long-métrage.
Furodo
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le 24 mars 2014

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