Il fut un temps pas si lointain où le sida était encore considéré comme le grand méchant loup des virus. Dans les années 80, avant la mise en place de traitements efficaces - sinon de vaccins - avant les quelques cas de quasi rémission et bien sûr avant que ce petit gourgandin de cancer ne lui vole la vedette (1), celui que l'on appelait alors et à tord le "cancer gay" ne faisait pas de cadeau. Et ce n'est pas Ron Woodroof (2) qui va dire le contraire, alors qu'un médecin un poil embarrassé lui révèle qu'il est séropositif ... et qu'il n'a plus que trente jours à vivre. Difficile d'avaler ça d'un trait d'un seul, surtout quand on se trouve dans les vieilles santiags fatiguées d'un cowboy texan farouchement hétérosexuel - pour ne pas dire homophobe - proclamant haut et fort sa virilité en s'adonnant quotidiennement à trois passe-temps complémentaires : putes, alcool et rodéo. Pas tendre envers un système médical soumis à l'industrie pharmaceutique, qui avait à l'époque scandaleusement instrumentalisé les malades dans le seul but de se remplir les poches - ouais ouais je sais, rien de neuf sous le soleil - ce Dallas Buyers Club n'y va certes pas avec le dos de la cuillère, quitte à en faire parfois un peu trop. On regrettera ainsi les quelques accès mélodramatiques chroniques du film, ainsi que sa propension à remanier inconsidérément la caractérisation de son protagoniste pour les besoins de l'émotion - toujours dangereux de jouer à Frankenstein avec la psyché humaine - autant qu'on appréciera ses saillies humoristiques, aussi bienvenues que bien dosées, considérant le sujet. Difficile également de ne pas saluer la performance livrée par deux acteurs positivement brillants, Jared Leto tout d'abord, méconnaissable sous l'accoutrement et le fard d'un homosexuel transgenre, et bien sûr Matthew McConaughey, formidable force de la Nature à la fois survoltée, roublarde et obstinée. Le film touche d'ailleurs beaucoup moins par son caractère dénonciateur que par le portrait qu'il fait de ce type qui ne lâche rien et continue de se cramponner à cette vache de vie alors même que celle-ci rue dans les brancards, avec la ferme intention de résister le plus longtemps possible avant de mordre la poussière.

(1) Le cancer a beau ne rien avoir à voir avec (sympa l'enchaînement) un virus, ça ne l'empêche pas de voler des vedettes. Quel toupet !

(2) Que nous pourrions appeler Nif-Nif, pour filer la métaphore du loup.
Furodo
6
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le 24 févr. 2014

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