Évidemment, le Japon médiéval, c'est fascinant, graphique, romanesque et joli, ce qui ne gâche rien. Il est donc tentant d'y loger une intrigue qui, vue de très loin, rappellerait les drames à la Shakespeare. De très, très loin, alors : un méchant sans nuance jette, grâce à une sorcière très méchante elle aussi, un sort à un pauvre seigneur droit dans ses tongs et provoque sa perte. Le samouraï en chef dudit seigneur et ses hommes deviennent des ronins, des guerriers errants réprouvés de tous. Ajoutez à cela un Keanu Reeves mutique dans un rôle mi-homme mi-ours, touillez bien, investissez dans des cerisiers en fleurs à foison, saupoudrez de mâchoires serrées d'hommes d'honneur bien décidés à sauver ce qui leur reste de dignité dans un code social rigide et injuste, laissez macérer un hiver entier jusqu'à ce que refleurisse votre foison de cerisiers et vous aurez une sorte de Dernier Samouraï vaguement surnaturel (bien, le dragon, mieux que ceux de Daenerys) bien falot mais tout joli à voir. Il vous faudra malgré tout subir les dialogues les plus creux de la galaxie. Genre : "Le temps presse. Dépêchez-vous. Nous n'avons plus une minute à perdre". Redondants et vraiment, vraiment creux. J'imagine que l'essentiel était ailleurs, dans le regard de chien battu de Keanu, les cheveux huilés des samouraïs ou l'air torve du Shogun. Il se pourrait que ça m'ait échappé.