Je dois bien avouer que ce qui m’attirait au premier abord dans ce western, c’est son titre aguicheur : A l’ombre des potences (Run for cover en anglais [littéralement « ne pas assumer ses responsabilités, se défiler »], tout de suite ça sonne moins bien), ça sent l’Ouest sauvage, les hold up de bandits et les avis de recherches de shérifs à plein nez.


Présent dans la collection « Westerns de Légende », voici le second western – sur trois – du réalisateur Nicholas Ray, un an après l’excellent Johnny Guitage (l’un de mes films du genre préférés), et deux ans avant Le Brigand bien-aimé, sorti en 1957.


Si Johnny Guitage fait aujourd’hui office de classique, il n’avait à l’époque pas rencontré un franc succès. Cette seconde incursion dans le genre ne fit pas non plus péter les compteurs du box-office : c’est six mois plus tard, en octobre 1955, que Nicholas Ray rencontre véritablement le triomphe avec la sortie de La Fureur de vivre, avec James Dean en tête d’affiche.
Au contraire, A l’ombre des potences fait aujourd’hui partie des films les plus mal connus du réalisateur. Malgré son classicisme formel, le film mérite pourtant le détour pour tous les amoureux de westerns.


Ce qui m’a plu dans ce western, ce sont les valeurs mises en avant : ici, il ne s’agit pas de cowboy individualiste, de guerres avec des Indiens, mais plutôt de la naissance d’une amitié durable, de l’apprentissage du pardon et du repentir, de mener une vraie justice avec procès.


Une amitié qui se rapproche du rapport père-fils, entre nos deux héros, Matt Dow (incarné par James Cagney), vieux rancher qui a roulé sa bosse à travers le monde et traverse le Nouveau Mexique en quête d’un lieu où s’établir ; et Davey Bishop (joué par John Derek), le jeune orphelin foufou de vingt ans qui vit de petits boulots et aime l'argent facile.


J’ai trouvé le début du film très réussi. Le premier tiers amorce tout un tas de sujets qui seront ensuite développés par la suite.
D’abord leur rencontre fortuite au bord d’une mare où ils s'arrêtent pour laisser leurs chevaux se désaltérer – l’inconnu qui surgit dans son dos est par essence suspicieux – puis leur façon de mêler la conversation et de commencer leur amitié. Ensuite la cocasse erreur judiciaire : les voilà cheminant près de la voix ferrée à l’endroit où quelques semaines plus tôt, le train a été attaqué par des bandits. Les agents de banque à bord, croyant une nouvelle attaque, leur balancent le magot au passage. Décidant de ramener le butin à la ville, ils sont pris pour des complices du gang des voleurs, tombent dans une embuscade tendue par le shérif, et manquent de peu de se faire lyncher.
L’innocence des deux hommes établie, Matt Dow est nommé shérif, Davey adjoint, pour le meilleur et pour le pire.


Personnellement, j’ai préféré le jeu de James Cagney (le vieux Matt) à celui du jeune ado écervelé qui n’arrive pas à pardonner de John Derek. Ses mimiques de visage limitent la profondeur de son personnage, ce qui est dommage car dans le scénario, c’est celui qui possède la trajectoire la plus intéressante.


Quant à l’histoire d’amour, entre Matt et la belle Helga Swenson (Viveca Lindfors), je la trouve mal exploitée, assez artificielle et creuse, posée là parce qu’il fallait bien un rôle féminin.
Là n’est pas l’important dans ce western qui privilégie rapidement l’aventure et l’action : la traque des vrais brigands.


Comme souvent dans les westerns, l’un des grands points forts d’A l’ombre des potences, c’est les décors naturels, à l’image de ces gorges sablonneuses du territoire Comanche, ou bien du final dans de véritables ruines aztèques (en tout cas les plans extérieurs, les plans intérieurs sont évidemment faits en studio) assez bien conservées et plutôt impressionnantes.


Formellement très classique, A l’ombre des potences est surtout intéressant pour son scénario riche en rebondissements et en action, et pour les thématiques savamment développées tout au long du film : critique d’une justice expéditive, réactions face à l’injustice, conflit de générations et difficulté de rédemption.

D-Styx
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le 19 avr. 2021

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D. Styx

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