Quand je réfléchis bien à ce film et que je creuse dans les films de 2012, j’y retrouve quelques éléments de El Campo que j’aime tant. On peut le retrouver à travers les difficultés conjugales au sein d’une famille. Les relations entre un homme et une femme changent quand un enfant arrive dans le foyer. J’y retrouve aussi un peu de Les Femmes du Bus 678 quand je relève la domination de l’homme musulman chez la femme. Une domination qui fait perdre pied à la femme qui finira par en avoir marre et qui tentera, e vain, de se rebeller.

Au fond, ce film raconte comment un jeune couple follement amoureux devient des parents qui finissent par se quereller de plus en plus souvent. Et comme dans la plupart des couples, on dira ça arrive à tout les couples de se disputer pour des bêtises, mais des fois ça peut prendre de grandes proportions. Au point même d’instaurer des problèmes psychologiques et une dépression.Tahar Rahim et Emilie Dequenne forment un duo exceptionnel dans ce film, qui l’aurait cru ? J’ai découvert un Tahar Rahim complètement à l’aise dans son rôle de père de famille qui domine la famille et qui donne des ordres à sa femme. On se croirait revoir quelques bouts de The Tree Of Life. Et sincèrement, sa prestation dans ce film fera concurrence dans quelques temps pour savoir quel a été le meilleur rôle de sa carrière. En effet, je ne vais pas me cacher en disant que j’ai préféré le voir dans ce rôle que dans Un Prophète.

De l’autre côté de la jeune famille nous avons la pétillante Emilie Dequenne. Personnellement, je découvrais cette actrice en voyant ce film (malgré une belle petite carrière après m’être renseigné). Dans son rôle de mère de famille qui se retrouve sous l’emprise du sexe masculin, elle se sent comme enfermée dans sa vie et dans l’appartement. Ne pouvant plus aller où elle veut et faire ce qu’elle veut, à devoir se plier aux moindres désirs de son cher mari. J’aurais été membre du jury de « Un certain regard » à Cannes 2012, j’aurais aussi voté en son nom pour le prix d’interprétation féminine, tant elle est bouleversante et nous amène dans sa frustration et sa lente suffocation.Enfin, nous avons le grand Niels Arestrup. Plus besoin de le présenter il me semble, et plus besoin de dire non plus qu’il fait de ces acteurs français qui nous fait plaisir de voir sur grand écran. Pas besoin de dire que peut importe les films où il joue, peut importe l’importance de son personnage sur le papier, il arrive à donner une intensité unique à son personnage (ici le père adoptif de Tahar Rahim mais aussi son médecin traitant).

Je me dois aussi de parler d’un fait retranscris pendant quelques minutes dans le film. C’est devenu une mode de filmer les femmes nues (ou à moitié nues) ? C’est une obligation maintenant pour les metteurs en scènes d’insérer de telles scènes afin de toucher la sensibilité des spectateurs, spécialement les hommes ? Laissons ce détail pour Katsuni si vous voulez bien.

Bref, revenons au film en lui-même. Bon, pas besoin de préciser que nous sommes dans le genre dramatique. Un genre qui colle bien aux films indépendants tel que celui-ci. Une ambiance très électrique, qui nous éprouve psychologiquement de minute en minute. Malgré un départ plutôt long (30 minutes pour 2 heures de film), on retrouve un rythme digne ce ces drama indépendants : on ne s’ennuie jamais devant le quotidien de ce couple qui se déchire et un trio qui vole en éclats petit à petit.

En quelque sorte, on a le fait que Niels Arestrup joue le père adoptif de Tahar Rahim, marocain dans le film. Mais il est aussi son médecin traitant (anecdote qui sert quelques fois dans le film). Passons. Le fait de se marier avec une personne musulmane pour qu’elle ait les papiers crée des liens affectifs particuliers dans ce film. Ces liens seront tellement forts que les deux parents seront coincés dedans. Et ce piège de l’affection va finir par leur faire perdre la raison. Ce qui est tout aussi élégant dans ce film, c’est la mise en scène de Joachim Lafosse qui arrive à maintenir de scène en scène l’ambiguïté. Il arrive à maintenir les personnes en recul pour mieux jouer avec le spectateur, le faisant douter sur les réelles intentions de chacun des personnages. Et au final, on en reste de marbre et en ayant pris une claque avec ce film d’une puissance énorme due aussi à son inspiration d’un fait divers. D’où l’effet de vérité qui traverse sans cesse ce film.

Finalement, A Perdre la Raison est un film qui arrive à convaincre à travers un style très rigoureux de mystère et de manipulation du spectateur. Une manipulation qui arrive au point de jouer avec les nerfs du spectateur, de le frustrer et de l’éprouver psychologiquement pour finir par lui donner une bonne claque. Avec en plus un casting qui se montre irréprochable, le film nous montre comment les dominations sous toutes ses formes peuvent nous amener lentement mais surement à perdre la raison.

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Auteur : Teddy
LeBlogDuCinéma
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le 5 sept. 2012

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