Une fascinante idée, ça, que de suivre des adottes sur les 5 années qui vont de l'âge bête à leur majorité. Il se passe tant de choses entre le collège et le lycée pour l'individu, et encore plus juste après. Nous voilà donc embarqués dans les tourments et le maelstrom de l'adolescence. Cette période qu'on ne revivrait pour rien au monde... on a ici une chance de mettre des mots sur le pourquoi de cette épouvante. Emma sort d'une famille qui semble avoir mis toutes les chances de son côté. Mais ça, c'est avant qu'on ait l'occasion de faire plus ample connaissance avec sa mère, qui ne lui propose que son visage de martyre maternelle, crucifiée par l'ingratitude de sa fille, qu'elle n'appelle d'ailleurs la plupart du temps que "ma fille", comme si elle lui refusait le droit de s'émanciper de leur relation. Et visiblement, c'est exactement ce qui va se passer au moment où la jeune femme va devoir aller faire sa vie loin de sa prison dorée. On comprend sa hâte de fuir et on compatit à l'angoisse qui l'étreint : qui va-t-elle pouvoir devenir en l'absence de ce miroir déformant maternel qui ne lui a appris qu'à réagir au lieu d'agir ? Sa copine Anaïs a d'autres soucis; ses parents à elle ont tellement de problèmes que leur vie de famille ne se déroule que sous le regard et avec l'aide des services sociaux. On comprend qu'elle a été retirée au couple quand elle était plus jeune, à cause de sa violence envers eux, mais on fait sa connaissance quand elle leur a été rendue, certainement parce qu'elle avait un peu mûri. Même si cette maturité ne crève pas les yeux tant elle est une collégienne archétypale, avec toutes les mimiques exaspérées et le théâtre que cela implique. Tout l'intérêt du dispositif, c'est de montrer que celle qui va évoluer le plus positivement n'est pas celle qu'on croyait au début; et des tas d'autres choses, sur la difficulté d'être parent, d'être prof (en creux), d'être assistante sociale (en creux), d'être une fille (discussions accablantes sur l'impératif d'avoir couché avec un garçon avant d'avoir son bac...), de faire partie de la génération Charlie et Bataclan, d'appartenir à une génération qui ne conçoit plus très clairement le bénéfice de la culture, d'être confronté à des injonctions d'orientation obscures, d'affronter l'usine à gaz de Parcoursup, de trouver sa voie en dépit de tout... bref, être ado n'est pas toujours la sinécure qu'on croit et il faut absolument faire en sorte que les effectifs scolaires soient réduits de moitié si on veut que l'institution accompagne sereinement ces petites grenades dégoupillées qui menacent à tout moment d'imploser et de s'autodétruire... ça n'est pas en les entassant à 36 par classe au lycée qu'on va leur permettre de laisser éclore les Prix Nobel qui sommeillent en eux, avec tous les enjeux qui les occupent à l'intérieur d'eux-mêmes à ce moment de leur vie. Bref, un documentaire qui joint l'utile au désagréable.