Pour son quatrième film en tant que réalisateur et scénariste, le belge Fabrice Du Welz vient ici clore sa trilogie des Ardennes commencée avec Calvaire et poursuivit avec Alléluia. Un film qui vient creuser le sillon toujours plus profond d'un cinéaste exigent et sans compromis autour de la thématique de l'amour fou.
Adoration raconte l'histoire de Paul un adolescent plutôt naïf qui tombe fou amoureux d'une jeune fille internée dans la clinique psychiatrique ou travaille sa mère. Paul décide de libérer Gloria et de s'enfuir avec elle pour vivre pleinement son amour bien loin de celles et ceux qui lui conseille de ne surtout pas s'approcher de la jeune fille.
Adoration est un film radicale qui devrait laisser plus d'un spectateur sur le bord de la route, bien loin du voyage initiatique et charnel de ses deux apprentis amants. Pour qui se laissera totalement embarqué en revanche le voyage sera une magnifique ode à l'amour fou et la très belle aventures de deux âmes se laissant glisser pour se fondre dans l'expression de leur nature profonde. Moins violent et noir que les deux précédents films de la trilogie, Adoration se fond presque en douceur dans le cocon d'une inquiétante poésie dans laquelle la nature est omniprésente. Une nouvelle fois Fabrice Du Welz célèbre l'amour fou comme étant tout à la fois une malédiction et un puissant moteur capable de transcender les peurs, la mort, la violence et la folie. Le film est porté de bout en bout par deux jeunes excellents comédiens avec d'un côté Thomas Gioria formidable d'émotion dans le rôle de ce gamin crevant d'amour et de peur pour cette jeune fille capable de sombrer à tout moment . Gloria est elle interprétée par la magnétique et magnifique jeune actrice belge Fantine Harduin dont la performance marque durablement les esprits. A noter aussi le très joli rôle de Benoit Poelvoorde en veuf perdu en pleine nature dans un registre tout en retenu et en émotion, un personnage qui avec un brin de folie supplémentaire pourrait sans doute basculer vers le paysan de Calvaire. Les deux jeunes adolescents eux peuvent être également vus comme une version juvénile des amants en devenir d'Alléluia. Adoration tisse ainsi des ponts thématiques avec Calvaire et Alléluia montrant à quel point la passion amoureuse peut faire perdre pieds jusqu'aux vertiges de la folie et de la mort. Esthétiquement le film est une nouvelle fois très soigné et offre des plans magnifiques comme cette barque glissant dans une brume inquiétante, des images souvent magnifiées par l'envoutante musique de Vincent Cahay, complice de Fabrice Du Welz depuis Calvaire.
Sur une barque de fortune pour un voyage sans retour à se découvrir au fil de l'autre ses deux gamins m'ont donnés des frissons, l'amour est définitivement d'une bien inquiétante puissance.