La suite de l’Alice burtonienne passe littéralement de l’autre côté du miroir. Si le premier film souffrait d’un manque de respiration qui l’enfermait dans des atmosphères oppressantes et visuellement instables, le second volume rétablit une respiration par l’enchevêtrement sériel des arcs narratifs tout en délaissant le plus important, le souffle. James Bobin n’arrive pas à insuffler dans son œuvre une âme, qu’elle soit épique, dramatique ou de l’ordre de la folie chère au conte de Lewis Carroll ; en lieu et place, un empilement de scènes boursouflées qui ne recherchent que la surenchère esthétique. Dans tout ce gloubi-boulga d’images fausses, dans ce brouhaha de contrefaçon – Danny Elfman s’ennuie ici à tel point qu’il recycle de la manière la plus pauvre qui soit les thèmes développés auparavant – surnagent des acteurs perdus qui peinent à interagir avec un environnement numérique tout simplement absent. Et c’est là le paradoxe : accumuler, entasser, exagérer, pour n’habiller que le vide. En dépit d’un segment final plutôt réussi grâce à cette trouvaille qui consiste à recouvrir l’univers déréglé du Pays des Merveilles par une sorte de végétation mortifère pourpre (pareille aux formations sanguines produites par les extra-terrestres de La Guerre des Mondes, cru Spielberg), Alice de l’Autre côté du miroir commet l’erreur irréparable d’uniformiser le merveilleux, de caricaturer des types de personnages qui ne renvoient alors qu’un pâle et incertain reflet de l’œuvre littéraire ici prétendument adaptée, et que Tim Burton avait si bien su incarner.