Dans un quartier huppé de Recife, face à l’océan, Clara, la soixantaine rayonnante, affronte digne et entêtée les promoteurs qui cherchent à remplacer l’ancien de l’immeuble Aquarius, dans lequel elle réside désormais seule, par des appartements modernes et luxueux.


Clara est une battante, une résistante. Elle a vaincu le cancer qui, vengeur, lui a rongé le sein droit. Sa plus belle revanche, la longue chevelure ébène qu’elle arbore fièrement, symbole de guérison, de liberté, arme de séduction massive. Et ce n’est pas une société immobilière peu scrupuleuse qui parviendra à la faire plier. Amoureuse des objets porteurs de sens et de souvenirs – telle cette commode, piédestal à des ébats intenses, ou sa collection de vinyles comparés à des bouteilles à la mer –, la pasionaria fera tout pour préserver ce lieu cher à son cœur, quitte à déplaire et inquiéter : « Je suis à la fois une vieille dame et une enfant », reconnaît-elle. Héroïne attachée au passé, mais vivant avec son temps, Clara nage, sort, danse, charme, aime et quand elle surprend une partie de débauche dans l’appartement du dessus, elle ne craint pas, sourire au coin, la tentation et s’y soumet à sa manière. Un portrait de femme magnifique incarnée avec grâce par Sônia Braga qui, enrobée de musique et idolâtrée par la caméra, en devient divine. Un portrait subtil aussi du Brésil, de ses beautés, sa culture et ses inégalités, doté d’une dimension politique selon certains qui l’interprètent comme une dénonciation du coup d’Etat ayant mis à terre la Présidente Dilma Roussef. Assurément, une réalisation sans faille qui distille, durant 2 heures 22, émotion, signifié, inattendu et tension palpable avec une maîtrise rare, faisant de Kleber Mendonça Filho, un réalisateur qui compte déjà après seulement deux films. Un seul regret peut-être, une fin abrupte qui nous arrache à jamais à cette combattante que l’on aurait aimé escorter au rythme d’une bossa nova sans note ultime.


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CineFiliK
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le 12 oct. 2016

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