Par-delà l’évidence criante du jeu de mot « Astier risque », la greffe de l’illustre Alexandre (pas de Macédoine) au Domaine des Dieux ne manquait pas de cohérence. Déjà familier de la parodie médiévale et autres romains dans Kaamelott, le voir remonter de quelques siècles pour contribuer au plus gaulois des gaulois, Astérix, faisait pour ainsi dire sens. Rejoignant Louis Clichy à la réalisation (Wall-E, Là-haut), le fait qu’un des plus estimés pontes de la comédie hexagonale rencontre l’un des joyaux de la bande-dessinée française confinait ainsi à l’alléchant.


Adaptant librement l’album Le Domaine des dieux, et quittant qui plus est les plates-bandes de l’animation traditionnelle pour celles de la 3D, le projet se nichait dès lors dans un entre-deux avec de l’autre côté d’inégales productions lives : un beau défi au demeurant, la question étant aussi de savoir ce que ce nouveau long-métrage serait en mesure d’apporter à une œuvre d’ores et déjà pléthorique. À défaut d’avoir feuilleté un album depuis belle lurette, l’occasion était donc toute indiquée de renouer avec cet univers unique, à la fois improbable, lointain mais aussi terriblement familier de l’Armorique d’antan.


Toutefois, le découvrir sur le tard n’est finalement pas un tort : car si Le Domaine des Dieux n’est en aucun point un fiasco, il n’en demeure pas moins qu’il nous aura laissé sur notre faim… à la manière d’un Obélix affamé qui n’en demandait pas tant. Faisant alors fi de toute comparaison avec le format papier originel, le présent récit souligne combien il n’est pas aisé de former un tout complet comme enthousiasmant : la sous-intrigue de la petite famille romaine navigant entre deux eaux tient lieu de « pont » commode, tandis que les retournements de vestes et l’opportunisme facile d’un village gaulois peu finaud composent de menues ficelles.


L’empreinte appliquée par Astier semble aussi jurer dès les premières minutes du film, César ayant maille à partir avec le premier degré extrême de ses sous-fifres : rappelant ainsi les célèbres « joutes » verbales convoquant Arthur et le duo Perceval/Karadoc, l’effet nous saute pour ainsi dire à la figure. La référence fait cependant mine de s’estomper à la faveur de traits davantage gaulois, Le Domaine des Dieux alignant jusqu’à son terme une pléiade de clins d’œils résolument modernes ; malgré tout, leurs champs communs respectifs, avec en tête de proue un humour plural, ont pour mérite d’ébaucher une ambiance à la fois fidèle, bon enfant et amusante.


Seulement, le long-métrage ne fera guère plus : capable de désamorcer avec vivacité ses quelques tenants dramatiques, il nous est de fil en aiguille impossible de véritablement se prendre au jeu. La lassitude et l’envers fataliste animant les romains, les péripéties classiques et une prévisibilité croissante formulent ainsi une légèreté prépondérante ; il subsiste néanmoins de savoureuses tournures et, surtout, un usage judicieux d’Obélix, sa nature à même d’influer tout rapport de force étant bien cadrée ici… son « réveil » n’en sera alors que plus impactant, sans compter le formidable timing mis en scène.


Bref, il y a du bon comme du moins bon dans cet Astérix, suffisamment à même d’intriguer quant aux possibilités qu’offrira plus tard Le Secret de la potion magique. Un dernier mot à propos de ses atours formels : le casting vocal, souvent « plat », est la plus grosse déception du Domaine des Dieux, à l’inverse d’une signature visuelle certes « lisse » mais plaisante… nous en reprendrions donc volontiers une goutte !

NiERONiMO
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le 18 avr. 2020

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