De l'inconvénient de ne plus savoir où donner de la tête

Si Hollywood fait des films de super-héros son fond de commerce depuis un certain temps, jamais entreprise n’aura été aussi juteuse que la série des Marvel Universe, débutée en 2008 avec Iron Man, et qui se perpétue une fois encore avec son onzième long-métrage attendu au tournant : Avengers : L’Ere d’Ultron. Et vu que Avengers premier du nom était certainement le plus abouti de tous, cette suite promettait d’être marquante et charnière dans cette vague de films ininterrompus …


… Pourtant, le film déçoit. Malgré une réalisation aussi parfaite que dans le précédent opus, pyrotechnie et baston chorégraphiée à l’appui, il n’est pas à la hauteur sur de nombreux autres points. Mettant en scène les Avengers combattant un système informatique surpuissant, il donne presque autant d’ampleur à l’intrigue et aux événements qu’avec la précédente invasion extra-terrestre new-yorkaise. De plus, les personnages sont presque tous aussi bien caractérisés, même ceux de Hawkeye et Natasha aka Scarlett Johansson qui étaient survolés dans le premier Avengers, et qui prennent ici autant d’importance qu’un Iron Man ou un Thor. Ils s’avèrent même tous deux les personnages les mieux développés et les plus touchants, en grande partie car ce sont les plus vulnérables. Mais aucun de nos super-héros n’est à l’abri de troubles, et le film exploite plutôt bien les faiblesses de chacun. Une romance est même bien esquissée, mais reste sous forme d’embryon, tout comme l’évolution du personnage de Hulk, qui aurait pu être bien plus poussée. L’action retranscrite à l’écran enfin est toujours aussi fluide et bien orchestrée, appuyée par une mise en scène majestueuse à l’image du dantesque plan-séquence d’ouverture.


Mais venons là où le bât blesse. Le déroulement du film tout d’abord est parfois chaotique, faisant des ellipses gênantes, laissant la place à des passages à vides qui stagnent l’intrigue, comme cette baston entre Hulk et Iron Man, beaucoup trop longue et fan-service. Globalement, le film est à l’image de son affiche : surchargé. En rajoutant des héros moins bien caractérisés ou arrivant trop tard dans le déroulement de l’histoire, l’intrigue se perd. Et l’humour qui faisait mouche dans le premier épisode tombe ici souvent à plat. Par ailleurs, le film ne laisse malheureusement que trop peu de place au méchant Ultron qui aurait dû donner une vrai substance au film. Torturé et impulsif, ce dernier manque pourtant d’humanité et ses motivations restent floues là où elles auraient pu amener à une vraie réflexion. En effet, cette intelligence artificielle conçue au départ comme une arme de dissuasion et de prévention devient incontrôlable et destructrice, faisant la parabole avec l’arme nucléaire qui a échappé des mains de ses possesseurs à une reprise en 1945, et reste depuis une épée de Damoclès qui a failli s’abattre définitivement plus d’une fois. Mais tout cela reste superficiel car tous les questionnements pertinents évoqués dans le film ne trouvent presque aucune répercussion dans sa dernière partie, comme un soufflet qui aurait éclaté avant la fin de la cuisson. Le réalisateur Joss Whedon avait habitué à bien mieux, comme son excellente web-série "Dr. Horrible". Je n'en attends toutefois pas moins ses prochains projets.


A trop vouloir impressionner et contenter visuellement, le film oublie l’essentiel : raconter une histoire véritablement prenante. Avengers 2 reste malgré tout un divertissement attachant et radicalement honnête (ses personnages évoquent pertinemment la boucle perpétuelle que forme leurs aventures, et leur volonté d’en finir définitivement, en vain). Le film reste finalement coincé entre deux chaises, annonçant inutilement ses prochaines suites Captain America 3, Thor 3 et Avengers 3, comme s’il n’avait été qu’une étape de transition de 2h 20.


Ma critique de "L'Incroyable Hulk" :
http://www.senscritique.com/film/L_Incroyable_Hulk/critique/48256857


"Les Gardiens de la galaxie" :
http://www.senscritique.com/film/Les_Gardiens_de_la_galaxie/critique/38253884

Marius_Jouanny
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le 14 mai 2015

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Marius Jouanny

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