Balada triste est un film qui fait davantage dans la répulsion que dans la séduction, l'imagerie du cirque, et donc du clown, est telle que pourrait la décrire un enfant qui se réveille d'un cauchemar en sursaut. Poisseux, narquois, imprévisible le film est un immense piège qui travaille la résistance, bien sûr en premier lieu et de façon métaphorique celle du passé douloureux de l'Espagne, mais aussi et surtout la résistance au sens général, celle des hommes face à la passion qui les embrase, les pulsions qui les dominent.

Emporté et sauvage, le film avance au gré des humeurs, des colères, des envies, il se laisse portée par sa propre fureur et se construit par poussée de fièvres interposées. Toutefois tout semble faire cohésion, se tenir dans une idée, qui bien que complètement marginale, ne souffre d'aucun écart, ou en fait s'édifie sur ses nombreux écarts et donc ne tombe jamais dans la banalité. Difficile à comprendre sans être plongé dans ce chaos. Peut être l'axe principal, celui par lequel on peut comprendre l'esprit du film, est celui de la monstruosité. Paradigme d'un film qui semble habité de toutes les folies, il montre qu'on peut tout à la fois lire l'évolution du personnage du clown triste comme une déchéance, ce qui semble logique à la mesure de son dépérissement physique, mais à y voir de plus clair, De la Iglesia ne ferme pas la porte à une lecture plus ambiguë où cette quête de l'amour menée tout près de la mort, serait une forme de transcendance — difficile toutefois d'envier le destin de ce curieux personnage.

Balada triste a l'audace de délaisser son scénario plutôt simple pour laisser les instincts meurtrier de ses personnages guider le ballet mortel, privilégier la démesure quitte à repousser, à choquer. Le rendu est aussi écorché que ses protagonistes, irrégulier mais passionnant, définitif en tout cas, noir jusque dans l'humour malsain qui le traverse. L'amour y côtoie la mort comme l'ombre et la lumière, lire le film de façon totalement manichéenne n'est d'ailleurs pas idiot puisque la dualité est clairement évoquée comme alibi de mise en scène. Une dualité par ailleurs symbolisée par le duel de clowns et qui se finit en fracas par une scène à tomber par terre, juste un regard, comme dans un miroir brisé, monstrueux, dans tous les sens du terme.


Désolé pour ce titre ringard.
Heisenberg
7
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Créée

le 21 juil. 2011

Modifiée

le 30 août 2012

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Heisenberg

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