L'évolution entre le premier Batman réalisé par Tim Burton et ce Batman Returns est assez frappante. Alors que dans le premier opus, le réalisateur américain s'attachait à dépeindre une Gotham City largement inspirée du Metropolis de Fritz Lang, l'univers gothique et fantastique typique de Burton est bien plus marqué dans ce second récit. L'assurance nouvelle de ce dernier en ses capacités à créer une ambiance unique nous offre in fine un film assez déséquilibré mais tout de même efficace.


Si la ville de Gotham n'occupe plus le rôle prépondérant qu'elle avait dans le premier long-métrage, les personnages sont toutefois bien plus travaillés. Sur ce point, le personnage du Pingouin est tout à fait intéressant dans la mesure où celui-ci incarne assez bien le reflet de notre héros principal : tous deux sont issus du même milieu social mais l'un a vécu dans les égouts de la ville corrompue tandis que l'autre a grandi en sécurité à l'écart dans sa somptueuse demeure.


Max Schreck, homme d'affaires au physique de vampire rappelle la proximité entre les décideurs économiques et les milieux de la pègre. Le personnage n'apparaît pas pour autant véritablement antipathique, ce dernier n'agissant que pour ses intérêts. Cette nuance assez peu commune dans les films occidentaux (qui ont plutôt tendance à pointer du doigt ceux qui ont le contrôle des grandes entreprises) n'est pas sans rappeler la conception japonaise du crime organisé. Les japonais ont en effet une certaine tolérance (on peut même parler d'admiration) pour les yakuzas. Si cette conception apparaît totalement aberrante pour un occidental, elle est pourtant d'une logique implacable : laisser le contrôle des trafics illicites à des organisations fortes qui empêchent que des luttes fratricides ne touchent des civils permet de vivre dans un pays plus sûr. C'est en quelque sorte cette idée que Tim Burton nous démontre à travers l'association entre le Pingouin et Max Schreck. D'ailleurs, si celle-ci échoue, c'est bien davantage en raison de l'incompétence et l'immaturité du Pingouin que par l'intervention de Batman.


Évidemment, le personnage le plus marquant de Batman Returns est celui de Catwoman. La féline dont le spectateur masculin n'a aucun mal à croire que l'enfer se trouve dans sa chambre est l'incarnation d'un thème assez nouveau dans la filmographie de Tim Burton : la sexualité. Clairement, il ne s'agit à aucun moment de sensualité. Les dialogues crus et la tenue SM que celle-ci arbore pendant toute la durée du film, sans compter les multiples sévices subis au fil des chutes, balles et autres réjouissances montrent que c'est bien un personnage tout droit sorti d'un film pornographique qui vient tenter Batman.


Parmi ce trio infernal, Batman apparaît comme un personnage secondaire. Son arrivée tardive dans le récit le souligne d'ailleurs assez bien. L'impuissance de l'homme chauve-souris montre davantage encore combien la corruption de la ville enneigée ne pourra jamais être vaincue tant que les citoyens accepteront d'être manipulés. Batman ne pourra jamais sauver Gotham puisque ce sont contre des avatars de lui-même qu'il combat.


La mise en scène est toujours d'aussi bonne facture, la musique originale est un peu plus supportable que dans le premier opus (même si l'on n'échappe pas à un morceau de disco) mais si les deux premiers tiers du film sont bien meilleurs que ceux relatifs à la lutte contre le Joker, les choix douteux du réalisateur qui s'est visiblement défoulé dans la toute dernière partie viennent plomber l'ensemble. Parce que prendre son indépendance vis-à-vis des classiques pour apporter sa marque dans l'Histoire du cinéma, c'est bien, mais décider d'imposer des canards en plastique géants, et souhaiter détruire une ville à coups de pingouins débiles avec des fusées attachées dans le dos, ce n'est pas forcément du meilleur goût qu'il soit.


Finalement, Tim Burton commet avec ce Batman Returns les mêmes fautes que certains candidats face à une responsable ressources humaines dans un processus de recrutement : après avoir brillamment répondu à l'intégralité des questions auxquelles il s'attendait, le candidat, devenu trop sûr de lui au fil des questions, finit par sortir une énormité à la toute fin de l'entretien.

Kevin_R
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le 2 mars 2016

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