Ben-Hur vient donc clôturer une saison estivale 2016 assez morose. Et il n'en relèvera pas le niveau, malheureusement. On peut dire que le film, ainsi, peine grandement ne serait-ce qu'à mettre un pied devant l'autre, alors même que sa première partie, sans être inoubliable, se laisse suivre. Car elle est tournée sur la rivalité fraternelle et la famille d'adoption de Messala, ainsi que la place qu'il occupe en son sein. Le pourquoi de son départ laisse perplexe et surtout, cette absence laisse aussitôt toute la place aux scénaristes pour livrer une disserte digne d'un redoublant en terminale sur le statu quo entre Rome et les Zélotes en pleine Jérusalem.


Tout cet étalage de politique pompière et de religion pouet pouet dessert instantanément l'oeuvre, laissant le spectateur faire le deuil de ses envies de fresque épique ou encore, pour les moins exigeants, d'un simple blockbuster d'action qui défouraille à la sauce péplum. Les ambitions à la baisse de ce Ben-Hur new look sont confirmées par le retour de Messala, qui compte ses exploits militaires filmés comme de simples flashbacks très courts. Youpi. Si vous vouliez retrouver dans le film le style de séquences guerrières qui ouvraient, au hasard, Gladiator, il faudra vous faire une raison : ici, de l'action, point trop n'en faut.


Même deal pour le passage sur la galère : la scène, si elle est un peu plus spectaculaire, sera tout aussi castrée. Pas de bataille navale ou un abordage en règle, Ben-Hur, production poids lourd mais pas trop, n'a certainement pas de budget pour se permettre ce genre de faits d'armes.


Ainsi, il faudra se contenter de la fameuse course de chars, qui nous a été teasée dès les premières minutes, comme s'il fallait être sûr que le public qui ne connaît pas Ben-Hur ne quitte pas la salle avant la fin. Ce sera la seule sucrerie à peu près sauvable de la fin du film. Raisonnablement spectaculaire, elle assure le taf' et la tension, même si plusieurs énormités la ponctuent. Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil pour voir en plein plan insert, par exemple, un bon père de famille qui a payé sa place au cirque, faire détourner le regard de son fils devant la (toute relative) violence du spectacle. Eh les gars ! Vous saviez que les Romains, à l'époque, ils aimaient la vue du sang ???


Tiens, question sang, lors de cette séquence, il n'y en aura pas l'ombre, comme tout bon (faut le dire vite) PG-13 qui se respecte. Les jeux du cirque seront donc sponsorisés par Monsieur Propre, et ce même si certains participants sont piétinés ou encore si les chars explosent littéralement. On ira même jusqu'à ramasser les corps et les débris, les Romains ayant semble-t-il déjà inventé les commissaires de piste. Il ne manque plus que les drapeaux jaunes et la voiture de sécurité présente dans toute course de Formule 1 actuelle.


Ainsi, déjà handicapé question spectacle, Ben-Hur ne relèvera pas le niveau concernant l'univers dans lequel les héros évoluent : les Romains ne sont qu'esquissés, la société de Jérusalem fugitive. Question religion, c'est la bérézina la plus totale. On jurerait que les préceptes chrétiens sont tout droit sortis d'une parodie, surtout lors de la séquence finale où tout le monde se pardonne et se prend dans les bras. Tandis qu'à chaque fois que Jésus apparaît à l'écran, on pense très fortement à se lever et crier à l'écran une réplique du genre "Naze ! Arrête !", tellement il semble sorti du sketch des Inconnus. Pauvre Rodrigo Santoro, que l'on a connu bien plus à son avantage qu'ici.


On passera sous silence les dread blanches et le look portnawak d'un Morgan Freeman en mode je tire mon cachet, ou encore le simple fait que Ben-Hur, pourtant le rôle titre, est dénué d'un quelconque charisme. Par contre, je vous préciserai que le film, alors qu'il fait deux heures, m'a semblé pourtant faire la même durée que celui de Wyler, un comble quand on sait qu'il s'étend sur trois heures trente. Et tout cela sans tirer profit de ses décors ou de ses environnements, laissant la très regrettable impression que ce nouveau Ben-Hur, malgré son statut de blockbuster, n'a pas dû coûter terriblement cher à produire.


Et le pire, peut être, c'est de se dire qu'on est même pas sûr que Timur Bekmambetov ait été derrière la caméra pour filmer. En effet, aucune extravagance, aucun plan dont il a le secret, aucune fulgurance cool, comme ce qu'il avait pu nous offrir dans Wanted ou Abraham Lincoln : Chasseur de Vampires. Comme s'il était, lui aussi, passé en mode automatique et anonyme.


Et là, on se dit vraiment, si même lui a capitulé devant l'uniformisation des majors, qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du blockbuster...


Behind_the_Mask, charpentier ébéniste à ses heures.

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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2016 et En 2016, j'ai pris quelques douches

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le 10 sept. 2016

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