oct 2012:

La dernière fois que j'avais vu ce film, c'était sur une vieille VHS en version pan&scanisée. Autant dire que de le voir aujourd'hui dans ce magnifique blu-ray a été une des plus grandes claques de l'année 2012. La beauté visuelle du film explose à chaque plan. Tout le travail de Jordan Cronenweth sur la photographie, celui de David L. Snyder sur les décors et celui de Ridley Scott à mettre tout cela en scène procurent au spectateur des moments de grand frisson à n'en plus finir.

Exceptionnelle invention que le blu-ray, qui nous permet d'être au cœur du film, sur le moindre détail, sans en laisser échapper une seule goutte! Les vues sur les bâtiments aux multiples petites lumières sont chatoyantes à l’œil, véritables guirlandes merveilleuses. C'est Noël avant l'heure!

Ces virées nocturnes dans un futur lointain -tellement lointain qu'il en parait improbable pour un public de 2012- forment un écrin idéal sublimement évocateur d'un cinéma noir, entre polar marlowien et quête initiatique où se posent les questions métaphysiques sur l'essence même de l'être. A ce propos, il est amusant ou intéressant de noter que ce "Blade runner" pose déjà la question de la paternité et de la création que Prometheus interroge encore aujourd'hui. Je viens juste de voir les deux films et la filiation est plus qu'éclatante.

Avec peut-être encore plus de finesse, Blade runner montre très bien que toutes ces interrogations suscitent une réflexion frappante sur celle peut-être plus fondamentale encore de la question entre le bien et le mal. Le combat qui se déroule sous nos yeux entre un Blade runner dont la fonction même est de détruire des robots récalcitrants à mourir et l'un d'eux dont le désir de vivre et le sentiment d'injustice devant la mort sont les plus vifs est une confrontation profonde, pour ainsi dire ontologique, d'une rare complexité. Je reste épaté par l'intelligence humaine de ce discours, et comment le scénario démontre à la perfection que l'amoralité de l'un ou de l'autre est un piège, un flou que l'intellect a bien du mal à parer, d'autant plus que l'émotion et l'affect viennent subrepticement ébranler toutes les certitudes.

Ces humanoïdes, créés par l'homme, sont-ils des êtres humains ou peuvent-ils être considérés tels? Leur souffrance, leurs peurs sont-elles humaines ou des illusions, fruits d'un programme, d'une mécanique? Et leur nature manufacturière, artificielle d'origine leur nie-t-elle la capacité à avoir des émotions, des sentiments aussi naturellement que les êtres humains?

La façon dont Deckard (Harrison Ford) modifie sa perception de ces créatures jusqu'à s'éprendre de l'une d'elle est en soi une réponse, marquante à plus d'un titre. Ajoutons à cela l'abandon du "réplicant" Roy (Rutger Hauer) à son geste ô combien humain, celui du pardon dans les derniers instants de vie et on pourrait presque dire que ce film regorge de "gestes" d'une superbe générosité. Peut-on parler de mystique de la générosité? Peut-être pas, mais il exprime en tout cas son humanité avec une grâce que l'esthétique propre au cinéma de Scott sublime à plusieurs reprises, tout comme le fait la musique très pure de Vangelis.

Tout compte fait à mes yeux, ce Blade Runner est un chef d'oeuvre du 7e art. Clair.
Alligator
10
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le 20 avr. 2013

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