Quelle que soit la face par laquelle on s'attaque à un mythe, à travers une suite ou un remake, on ne peut tenter de tutoyer ses sommets qu'au prix d'une traversée dégrisante des brumes qui masquaient ses hauteurs inaccessibles.
Parce qu'un chef d'oeuvre, un vrai, c'est un peu ça: une montagne imposante, qu'on a gravi 100 fois, et dont chaque ascension nous fait découvrir que le sommet est peut-être finalement un peu plus haut. Pour compliquer la tâche de l'alpiniste, il y a donc ces bancs de nuages, constituées de fines couches de souvenirs, de fantasmes, d'interprétations successives, de débats et de controverses.
Mécaniquement, plus on l'escalade, plus son point culminant se dérobe.


Un des personnages de Blade Runner 2049, une jeune femme qui joue avec des micro-univers dont elle contrôle l'apparence, est confinée dans une salle dont elle ne peut sortir et qui bloque tout contact réel avec ceux de l'extérieur. Le fait que je me sois senti comme un de ses visiteurs est sans doute dû à l'amour profond et viscéral que je porte au film original. Un spectateur froid et détaché qui contemplait chaque scène de la version 2017 avec une sorte d'intérêt poli, mais dont aucune scène n'arrivait jamais à l'émouvoir ou le transporter. A chaque nouveau plan, je me rendais encore plus compte à quel point le film de Ridley Scott avait marqué de manière définitive ma passion pour le cinéma.


Tenter de s'en approcher, comme l'a fait Villeneuve, avec tout le respect ou les meilleures idées du monde, ne pouvait donc en aucun cas, en ce qui me concerne, réussir. C'est en ce sens que mon avis ici sera sans doute un des moins pertinents de tous ceux que vous pouvez trouver sur le site.
C'est du coup sur le film de Denis Villeneuve qui a ce jour obtient la meilleure moyenne sur SensCritique que je mettrais ma note la plus basse. Une preuve supplémentaire sans doute, de la non-pertinence parfaite de mon appréciation.


Resté figé comme une des statues féminines un peu étranges qui se dressent dans le désert orange de 2049, privé d'enchantement, je subissais donc ces 2h45 avec la plus parfaite impassibilité. Remarquais que les déplacements des véhicules volants gagnaient en rapidité numériques ce qu'ils perdaient en pouvoir de fascination lié aux distances écrasantes du premier opus. Notais que de balancer de grands Booooiiiiinnngggggggg sur des visages fermés ne suffisait pas à me convaincre d'assister à un grand film. Estimais qu'inverser des thématiques (en 1982, un humain se demandait s'il n'était pas un robot, en 2017, un robot se demande s'il n'est pas humain) ne constituait peut-être pas la meilleure suite imaginable. M'exaspérais, surtout, de voir tous les retours d'Harrison Ford liés à ses personnages mythiques des années 80 (Jones, Solo, Deckard) tourner invariablement sur le même thème. Comme si tous les scénaristes Hollywoodiens étaient au courant d'une réputation de queutard invétéré de l'ex star des années Lucas/Spielberg et s'étaient passé le mot. Une réputation d'arroseur automatique qui m'aurait donc échappé.


Je me suis donc révélé comme une victime expiatoire d'un trauma infantile dont aucune thérapie ne pouvait me guérir, la séance de cinéma n'étant pas assez consistante, malgré sa durée, pour permettre la rémission. Mais il y a des maladies, il est vrai, dont on ne souhaite pas se défaire.

guyness

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