Entendons nous : Bone Tomahawk, est un film long et chiant, sans être contemplatif, ni même vraiment beau. Au fur et à mesure de l'ennui qui s'installe, passé 5 premières minutes introductives ultra-violentes, l'esprit s'égare, et en vient à porter de l'intérêt à autres choses que l'intrigue principale. C'est sur ces "autres choses", ce qui pourrait paraître des détails, que l'on décèle tout l'intérêt d'une oeuvre pas si stupide mais qui fait, pour certains du moins, le mauvais choix de l'opacité et de l'élitisme.
Pour faire court, le film est découpé en trois parties fortement inégales, de part leur durée, leur intérêt, et leurs choix artistiques. La première, véritable introduction, est un récital gore, une très bonne mise en bouche qui en annonce gros pour la suite, mais ne semble pas se rattacher au récit. On y présente de façon détournée et fugace les cannibales. Les amateurs de films d'horreurs reconnaîtrons les clins d'oeil massifs compris dans ce court passage. La seconde partie, la plus absurde, assurément, calme beaucoup trop le jeu en faisant le pari d'un ventre mou qui se détourne de l'horreur, bien qu'on y retrouve, à contre courant, les meilleures idées de l'ouvrage. Beaucoup trop longue, elle mérite cependant des coupes évidentes. La troisième partie, qui consiste en la rencontre effective avec les cannibales, est l'une des plus gores que j'ai pu voir au cinéma. Pire que çà, elle est vicieuse, détruisant en corps et esprit, tout ce qui avait été longuement et patiemment créé.
Le parti prix de l'oeuvre était ce mélange des genres crépusculaire, à l'image de ce qu'on avait pu voir, avec beaucoup de réussite chez le Vorace d'Antonia Bird. Mélanger l'âpreté du western avec le dégoût du film d'horreur cannibale était une très bonne idée, dont il ressort une ambiance extraordinairement noire. On sent ici, à mille lieues d'un Tarantino (la comparaison est facile), ou d'une trame encore plus classique, qu'il n'y a ici aucun espoir pour l'humanité ou nos personnages. L'antagonisme n'est pas un homme ou un peuple indien bizarre, mais la véritable noirceur de la violence animale brin captée par le réalisateur. Çà fait froid dans le dos.
Le choix de prendre 4 personnages classiques du western (la fine gâchette, le vieux, le shérif et l'amoureux transi) est également une bonne idée, qui simplifie la trame. On les sent aussi démunis qu'unifiés par cet environnement sauvage et sans pitié. On s'éloigne du western classique qui pouvait montrer le pire de l'homme (généralement un pistolero assassin, violeur en bonus), ici c'est la nature même du western qui est sans pitié : des bandits qui attaquent la nuit, des bêtes, un soleil de plomb, les blessures qui s'infectent, le sang qui coule, et cette absence totale de bruit. On cherche pendant de longues minutes ce qu'il manque, ce qui dérange, et puis tout d'un coup, çà nous frappe : pas un son, hormis ceux produits par l'homme. Pas une musique, rien qui dépasse, et ce sentiment croissant de vide. Paradoxalement, on se sent acculé, parce qu'on comprend qu'au delà du cercle de ces 4 personnages, il n'y a rien.
Malgré de grosses incohérences et des facilités scénaristiques aisément pardonnables, Bone Tomahawk est un petit bijoux dans le paysage si aseptisé du film d'horreur moderne. Habilement rétro, magnifiquement réalisé, il brille de maîtrise, et ne cède jamais aux sirènes du voyeurisme : pas de choc pour le choc, de gore inutile, j'ai finalement beaucoup apprécié.