ATTENTION SPOILERS !!!


Brimstone est un film avec une certaine aura qui le précède. J'ai mis du temps à pouvoir enfin le regarder, bien que le trailer m'avait immédiatement saisi, et j'étais alors certain de finir par le voir.
Ce film est incroyable, à bien des niveaux, d'une violence crue sans merci, et choquant par bien des aspects qui clairement nous font sortir de notre zone de confort en matière de films.
Dakota Fanning est toute aussi incroyable, brisant définitivement son image de petite fille star de grosses productions hollywoodiennes.
Et que dire de Guy Pearce, qui envahit l'écran de sa présence systématiquement, et qui hante totalement en dehors de ses scènes.
Sans compter une mise en scène pleine de surprise qui remet chapitre après chapitre en question ce que l'on croyait avoir compris de l'histoire qui nous est livrée.
Pour moi le film dégage des thématiques centrales (même si on peut en voir plein d'autres!), et c'est surtout ce que je vais faire dans cette critique, les aborder.


- le Loup


Le personnage de Guy Pearce est sans doute le personnage clé du film. Durant la première partie du film, impossible de ne pas le voir comme le mal absolu, le diable.
Sa présence est immédiatement malsaine, et comme je le disais plutôt, impossible de ne pas l'avoir en tête en dehors de ses scènes tant il fait peser une menace importante. D'autant plus que le bougre est increvable, il revient sans cesse, comme un cauchemar. D'ailleurs impossible de savoir s'il est bel et bien mort à la fin du film, quand il prend feu et que Liz/Dakota Fanning lui tire dessus. Sérieusement j'ai gueulé sur ma télé "va checker s'il est bien mort!!!" (c'est dire la menace qu'il représentait). Parce que oui, quitte à aller loin, l'extérieur est enneigé, donc pas un problème pour éteindre les flammes, et vu le personnage, c'est pas un tir de fusil qui l'arrêterait...


La thématique du loup revient fréquemment au cours du film, "rôle" qui est bien évidemment totalement attribué au personnage de Guy Pearce, et qu'il a clairement mérité. D'ailleurs impossible de douter quand il "hurle" comme un loup vers la fin du film (un peu facile mais ça valide ma théorie, donc je ne vais pas chouiner ^^). Et sans compter le fameux passage de la bible, "Beware of false prophets. They come to you in sheep’s clothing, but inwardly they are ravenous wolves.", déclamé à plusieurs reprise par ce même personnage. Et enfin, argument coup de poing, l'affiche du film, faisant trôner le visage menaçant du personnage guettant ses proies.
La mise en scène en joue particulièrement. En effet en début de film Dakota Fanning se tourne vers la caméra, se trouvant alors dans un champ. Clairement, son regard évoque la peur, et on déduit tout de suite que ce qu'elle regarde est une menace. Le fait que cette menace se trouve dans un endroit "naturel", et caché, évoque (pour moi) le loup, et par conséquence le personnage de Guy Pearce. Plus tard on le retrouve d'ailleurs dans ce même champ, là aussi caché, mais donné à voir au spectateur. Et surtout, la fin du film reste ouverte, car comme je le disais plus tôt, on n'a pas la confirmation qu'il est bien mort. Et le dernier plan du film, ô combien symbolique, n'est autre qu'un plan similaire au début, où la fille de Liz/Dakota Fanning (devenue elle-même maman), inquiète, observe au loin la caméra, cachée dans les bois. Là aussi l'image du loup est indéniable, et sous-entend que le personnage de Guy Pearce est toujours à l'affût... Autant dire que pour moi, la fin du film ne m'a pas rassuré!


- la Traque


Quel parfait enchaînement de passer au "Loup" à la "Traque". Parce qu'en effet, le personnage est bien à la poursuite de Liz/Dakota Fanning tout au long du film. Et il revient sans cesse, sans jamais crever. D'ailleurs, à un moment du film, le personnage du beau-fils de Liz/Dakota Fanning lui demande : "Il ne s'arrêtera jamais, n'est-ce pas?". Le film ne peut que malheureusement lui donner raison.
Car finalement, toute l'histoire du film, n'est-ce pas la fuite face à une menace? (grossièrement)
Je pense en tout cas que le film en fait un tour de force, car on ressent pour Liz toute la peur, l'inquiétude qu'elle peut ressentir quant à la présence, où ne serait-ce qu'un soupçon de la présence, du "Loup".
C'est même un combat de survie, tant les décisions que prend Liz pour échapper à son prédateur sont radicales, avec par exemple le coupage de langue qu'elle effectue elle-même, c'est dire si elle est motivée, car sa survie est en jeu.


- la Religion


Hélas, j'en reviens encore au personnage de Guy Pearce, mais il aborde en fait un thème plus large, évoqué que jusqu'à très récemment dans les Western : la religion.
Car bien que le personnage de Guy Pearce aille très loin dans son interprétation du Puritanisme, il n'empêche que ce dernier constitue une base solide. Car le Puritanisme de cette époque (et même la religion en général sous toutes ses formes) cherchait à régir la société, et à purifier ce "nouveau monde". Sans compter le contrôle sur les femmes et leurs corps.
Clairement le film ne cherche pas à donner une image reluisante de la religion, mais l'associe à de sombres mœurs, et à quel point elle peut être facilement fourvoyée.


- la Place des Femmes


Impossible pendant que je regardais le film de ne pas penser intérieurement que ce film était féministe, ou du moins qu'il apportait un point de vue féminin particulièrement neuf dans un univers du western on ne peut plus macho.
Par ailleurs le film souligne la place des femmes de l'époque, soumises au dogme religieux, et à la dépendance de leurs maris.
Pour moi, le passage le plus intéressant du film sur la place des femmes est le chapitre au bordel. Car paradoxalement, le film présente le "travail" de Liz comme à la fois une soumission et une émancipation. Et compte tenu de la réalité de l'époque, ce n'est pas faux. Car bien qu'elle ne puisse pas partir, et doive coucher avec des clients, elle n'est pas sous l'emprise du dogme religieux, n'est pas seule (sa relation avec son amie est très importante) et gagne de l'argent. Alors certes, "l'argent ne fait pas le bonheur", mais à une époque où les femmes étaient à la maison et dépendantes des revenus de leurs maris, on peut quand même y voir une forme d'émancipation.
Aussi, un passage très symbolique (bien qu'anecdotique), quand Liz doit sortir voir quelque chose, mais qu'elle n'a pas terminée sa "séance" avec son client (ou plutôt que lui n'a pas terminé). J'ai trouvé ça assez osé de montrer la corvée de l'orgasme masculin, et de le montrer de façon assez pathétique et sans grande importance, alors que dans le cinéma (hors comédie) l'orgasme masculin est quasi sacro-saint et définit la fin du rapport sexuel.
Encore par rapport au bordel, très paradoxalement Liz semble heureuse voire épanouie. Je vais essayer de ne pas sombrer dans des interprétations vaseuses, mais pour moi il y a le fait qu'elle n'est pas seule, qu'elle a de nombreuses camarades autour d'elle (dans la meme situation de soumission), et que, quelque part, elle se réapproprie son corps (après le traumatisme de son viol par le personnage de Guy Pearce).
Aussi la question du rapport sexuel revient fréquemment. Souvent d'ailleurs sous la forme de viols, qui démontre là aussi la soumission des femmes aux hommes. Une phrase qui revient deux fois pour convaincre Liz d'avoir un rapport sexuel, est "I'll be gentle" (je serais doux). Argument d'autant plus effroyable qu'il s'agit d'un viol, et que donc cela ne change rien au traumatisme qui en découlera, et que le prédateur cherche tout simplement à manipuler sa victime pour obtenir ce qu'il veut.
Un passage du film assez marquant est aussi lorsque Johanna/future Liz a ses règles. Déjà ce qui est intéressant, c'est l'incompréhension et l'inquiétude de la jeune fille, qui s'interroge si elle va mourir. Mais c'est aussi un "argument" pour obtenir d'elle un rapport sexuel, car on considère que dorénavant c'est une femme, et qu'elle doit donc accomplir ses devoirs de femme, c'est à dire assouvir les besoins sexuels de son mari/tuteur.


Et pourtant dans toutes ces épreuves effroyables, Johanna/Liz tombe quand même amoureuse. Cela dit je triche un peu, car cela se produit avant qu'elle perde son innocence, bien qu'elle soit consciente de sa situation en tant que future femme soumise au dogme religieux.
Il n'y a pas à dire, Kit Harrington avec un accent plus qu'approximatif du fin fond de l'ouest Américain n'est pas crédible deux secondes, mais son personnage a le mérite d'apporter un peu de lueur dans ce cauchemar. Il réconforte Johanna, la protège, la comprend, la respecte, et l'admire, ce qu'aucun homme n'avait jamais fait et ne fera jamais plus.


Aussi dernier point, est le courage de Liz. Elle prend de grands risques pour protéger les siens et manie à plusieurs reprises des armes (cassant définitivement l'image de femme soumise de son époque). D'ailleurs à un moment son beau-père lui dit "ce n'est pas à vous de prendre une arme, c'est moi qui devrait le faire". Sauf que c'est mal connaître Liz, c'est sa vengeance, sa survie et celle des siens, peu importe son sexe, elle fera ce qu'elle aura à faire.


Brimstone, c'est une immense claque. C'est un film puissant, une Odyssée cauchemardesque et effroyable, mais qui met en scène des personnages courageux, malveillants et prêts à tout.
Impossible d'en ressortir intact, mais en même temps, le cinéma devrait-il nous montrer toujours la même chose et nous rassurer en permanence?
Brimstone n'est pas de ceux-là. Horreur, et courage face à cette horreur, voilà ce que nous montre ce film. Un récit puissant, servi par des personnages forts, bref, un genre de film rare qui nous secoue et nous bouscule, qui nous fait ressentir des choses trop rares dans le cinéma.

jul-music
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le 15 nov. 2019

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