Bertrand Tavernier poursuit dans la veine sociale initiée avec L627. Il se tourne désormais vers l'école où l'on suit un instituteur dans le Nord en proie à un manque criant de moyens. Je reproche principalement à Tavernier de montrer les choses, comment dire, de manière trop crûe. Caméra à l'épaule, avec de longs plans-séquences, ce n'est pas le nez qu'il nous met mais la tête toute entière dans la boue. Je n'habite pas vers Valenciennes mais je doute quand même que le Nord-Pas-de-Calais soit aussi gris. Et puis cette voix-off, celle de cet instit (qui a ses propres problèmes familiaux par ailleurs) nous lisant des passages de son bouquin est hors-sujet.


Tavernier nous montre une région minée par le chômage, la misère, la pauvreté. Et ceux qui en pâtissent, ce sont les habitants privés de travail, d'électricité et qui peu à peu baissent les bras. Reste l'école et la motivation de ce directeur d'école outrepassant largement ses fonctions. C'est un problème que l'on pointe encore aujourd'hui au sein de l’Éducation Nationale. Elle n'instruit plus mais éduque. C'est à dire qu'elle fait le boulot que ne font plus les parents : leur apprendre à parler, à dire bonjour, au revoir et merci, à ne pas taper son voisin.


Ce constat est édifiant et là aussi je reproche un peu à Tavernier et à sa scénariste de fille de toujours en rajouter une couche : l'inspecteur déconnecté de la réalité, les services de l’État complétement inertes, le maire (communiste !) qui refuse l'accès à la cantine aux enfants non munis de tickets. C'est ça qui rend mal à l'aise. De voir que tous ces malheurs arrivent en France en 1999.


Tavernier n'y va pas de main morte mais peut-être que cela était nécessaire pour bien en prendre conscience. Du coup, on attend avec impatience les spectacles de fin d'année synonyme de vacances scolaires. Comme ces enfants, j'ai pu enfin souffler. Mais ce film trotte dans la tête longtemps. Il n'y a pas vraiment d'histoire comme dans L627. Juste des petits moments de vie captés par la caméra qui sait s'effacer devant Torreton faisant sa classe à ses élèves. C'est là que le film est le plus coloré. C'est en allant à l'école et en faisant des études que ces adultes de demain auront une chance de changer les choses. En attendant, le constat est dur, froid et ce n'est pas un dessin d'enfant affiché sur le mur qui adoucit le propos.

Incertitudes
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le 15 janv. 2016

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