- Carnage - de la racine latine caro / carnis, la chair.
Détrompez-vous. Avec mon 4 au premier trimestre puis 0,4 de moyenne à la fin de l'année, je suis à 10.000 lieux de l'illustre élève. Plutôt nul en thème et pire en version. Madame Cavaillé si vous m'entendez, je m'excuse d'avoir été si peu attentif à votre instruction. Elle m'aurait sûrement évité de solliciter Wikipédia pour trouver mon amorce.

Donc, la chair...la viande, bien grasse, épaisse et sanguinolente que l'on imagine voir avec un pareil titre.
Bien que ce ne soit pas le credo du cinéaste, on se dit que tout peut arriver. Pourtant dans le même temps, la musique flirte sur un sentiment contraire, porté entre douceur et poésie lugubre.
Dès la première séquence, on sait que Polanski a réussi cette oeuvre.

Le scénario vient enfermer 4 parents dans un appartement et se passe pûrement et simplement d'introduction pour livrer un huis-clos saisissant. Il y a de l'intellectualité dans l'air, une grosse dose de courtoisie, tandis que les discussions tantôt arrangeantes tantôt assassines, laissent entrevoir que tout peut déraper d'un instant à l'autre.
Zakari a frappé Ethan d'un coup de baton et lui a cassé 2 dents. Insidieusement la retenue de chacun s'émiette, les personnages se taquinent, se cherchent, les esprits s'échauffent et c'est une magistrale joute verbale qui se met en place.
Viennent s'ajouter à cette situation déjà délicate quelques perturbateurs extérieurs qui mettent les nerfs à vif.
Il y a la "Maman" de Michael, vieille scénile qui appelle son fils pour la plus insignifiante question ; il y a TW Pharma qui ne cesse de faire sonner le portable d'Alan dont il est l'avocat ; il y a enfin Grignotte, ce putain d'Hamster que Mickael a abandonné dans le caniveau.

- Carnage - trouve sa puissance dans les dialogues. Violents, cruels, et drôles à la fois.
Ils sont magnifiés par un montage aux petits oignons et un quatuor d'acteurs géniaux qui livrent tour à tour de superbes interprétations. Jodie Foster crève l'écran. Elle incarne plus que parfaitement la mère sensible, la femmme intègre ayant trop de mal à dominer ses pulsions, et Christoph Waltz est tout bonnement fantastique.

On peut cependant reprocher à Polanski des facilités dans le scénario. A trois reprises les Cowan quittent l'appartement mais y reviennent toujours, attirés par un café bien onctueux. L'argumentaire est redondant, mal habile voire carrément lourdasse. De même, la subite connivence entre les deux hommes semble facile et tirée par les cheveux.

Si Polanski a pris le parti de zapper le prologue pour nous fondre dans l'histoire, la scène du vomi est l'élément perturbateur qui fait prendre un virage d'importance au récit. Cette séquence ô combien dégueulasse et loufoque, est l'occasion de faire exploser l'hypocrisie contenue jusque là. Alan est d'une mauvaise foi incroyable, Michael devient un vrai goujat capable de déblatérer les pires horreurs.
Dès lors, plus de retenue, plus de civilité...les comportements deviennent disproportionnés, les parents s'affrontent, les couples se déchirent et le manque d'humanité devient confondant.

Ainsi le spectateur constate que les relations des plus aisés New-Yorkais peuvent être ausssi brutales que dans les plus sombres "bidonvilles du Soudan".
Les ustensiles les plus communs sont jetés aux ordures ; le portable qui rend les rapports distants, le sac à main qui rassure la femme qui le porte...comme pour dire stop à tout cette superficialité ambiante ridicule.
Outre la définition qu'en fait Christoph Waltz dans le film, "carnage" c'est l'image de soi que l'on ruine lorsqu'on s'écarte de l'essentiel, que l'on s'emporte contre ce qui nous énerve et que les sentiments primitifs resurgissent.

- Carnage - n'est pas un film infaillible. Il n'est non plus de ces films bibliques devant lesquels on se prosterneraient.
Mais il reste un superbe film sur les relations humaines, sur les sentiments et la nature de l'homme. Un film touchant parfaitement représentatif du travail d'un grand cinéaste.
FPBdL

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