Les vertus du cacao sont immenses, tout comme celles de la nouvelle adaptation du conte de Roald Dahl de même nom, Charlie and the Chocolate Factory, par Tim Burton. La première vertu tient à l’aspect profondément cruel du livre qui trouve à l’écran une traduction particulière, bizarre en ce qu’elle réussit à mêler le bouffon et l’épouvante pure – pensons à ce gros Bavarois en train d’étouffer dans la pompe à chocolat, ou à la petite Veruca jetée dans le broyeur à ordures – au nom du divertissement.


Le cinéaste aborde ladite chocolaterie comme un purgatoire fermé aux regards, chacun offrant aux enfants une tentation particulière ; cette lecture religieuse est appuyée par la première pièce accessible directement après le couloir, sorte de jardin d’Eden pour bouches sucrées. Car les seuls à ne pas se goinfrer sont Charlie et son grand-père, soucieux d’admirer le spectacle de la nourriture omniprésente plutôt que de s’engloutir dans la consommation maladive synonyme de destruction du tissu familial – voir l’acharnement avec lequel Mike explose une grosse citrouille sucrée. Comme l’explicitent l’écureuil puis Willy, les enfants sélectionnés, exception faite de Charlie, sont des fruits pourris d’une branche pourrissante, comprenons les parents et leur propension à transférer faiblesses et névroses.


Il y a donc une cruauté bien réelle, qui rend justice au conte tout en rejouant le combat de Tim Burton contre les aliénés de nos sociétés modernes, déjà entamé avec l’affreux Jim dans Edward Scissorhands, incarnation du beau rebelle idiot, ou ce couple de bobos new-yorkais, les Deetz, dans Beetlejuice. Ce combat n’est autre que celui que mène l’artiste véritable contre les artefacts, soit Willy Wonka contraint de fermer boutique après la visite d’espions pour lui voler ses recettes géniales. Il ne saurait y avoir de symbole plus fort pour l’exprimer que ce plan où Willy ouvre le portail de sa nouvelle chocolaterie, une paire de ciseaux à la main : le voilà Edward industriel, de la même façon que Burton, ici, s’ouvre à l’industrie sans pour autant y perdre son âme. Inventivité et folie demeurent, portées par la partition virevoltante de Danny Elfman – ce générique d’ouverte constitue à lui seul un morceau d’anthologie.


En dépit du caractère quelque peu répétitif de la visite de l’usine, chaque nouvelle pièce évacuant un duo de personnages, Charlie and the Chocolate Factory n’en demeure pas moins un excellent divertissement, cruel et audacieux, qu’incarnent des acteurs de talent, à commencer par un Johnny Depp curieusement abstrait, tout de plastique fait, et dont le bruit des gants en latex, à chaque poignée de mains répété, finit par s’harmoniser avec ceux du père dentiste, formidablement campé par Christopher Lee. Triomphe de la famille recomposée, réunie, unique transmission d’un art de vivre et de faire.

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le 21 févr. 2021

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