L’enfance tue
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Ce n'est pas sans une certaine angoisse que le spectateur aborde un film réputé monumental tel que l'incroyable Citizen Kane d'Orson Welles. Pourtant, le film mérite absolument les compliments qui lui ont été faits, et la densité de ce film a tôt fait de nous bombarder de mille interrogations face au sujet aussi vaste que profond de ce chef d'oeuvre. Le citoyen Charles Foster Kane est donc décédé après avoir prononcé ces derniers mots : Bouton de rose. Afin de résoudre le mystère de ces mots, un journaliste va tenter de retracer la vie de l'homme, un grand milliardaire mégalomane, troisième fortune mondiale, ayant fait construit un domaine énorme, sur lequel a été bâti un immense palais truffé de statues en tout genre. L'homme va donc peu à peu être dévêtu, autopsié, décrypté devant les yeux du spectateur, laissant voir un homme à la fois follement égocentrique et d'autre part très touchant. De son enfance sacrifiée sur l'autel de l'appât du gain, jusqu'à une mort dans la solitude la plus mélancolique, sa vie ne sera affaire que de caprices, d'exubérance, d'auto-centrisme et de sacrifices de ses plus proches (son meilleur ami Leland, son enfant, ses deux épouses). A la fin, ne demeureront que quelques souvenirs, un palace magnifique et un amoncellement d'objets, d’œuvres d'art par milliers, comme pour compenser son manque profond d'amour.
Dès le début du film, la première référence est particulièrement éloquente : Xanadu, un domaine mythique découvert par Marco Polo, et étant un des domaines d'un Empereur Mongol Kubilaï Khan, nommé Shangdu, représente un paradis perdu mythique. Orson Welles en a fait l'un des symboles à la fois de la réussite incroyable et fulgurante, mais également de la perte du paradis. Cela représente ce manque de transcendance de la vie américaine, qui permet la réussite matérielle absolue, tout en s'accompagnant d'une grande vacuité, d'une perte totale des repères et de sa raison d'être. Avoir, mais ne pas être, tel est le rêve américain d'un homme qui a frôlé la Présidence américaine. Cet homme, aux airs de Donald Trump, est presque beau incarné par Orson Welles, et il y a une grande richesse dans la réalisation et la mise en scène. Le film est techniquement beau, dans un noir & blanc puissant, une science des contrastes, un jeu sur les illusions d'optique et presque des plans fantastiques sur le dernier plan du film. Citizen Kane est donc une réelle peinture de la société des Etats-Unis d'Amérique qui dans une clairvoyance notable, montre le nihilisme d'une société capitaliste saugrenu et insensé.
Créée
le 9 juin 2018
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