In Texas, no one will hear you scream.


Pamphlet de l'Amérique des subprimes, Comancheria (Hell or High Water) est écrit comme un western et réalisé comme un film de Terrence Malick. Il développe la misère des Texans que les banques ponctionnent depuis toujours, dans un paysage désertique mais beau comme une plaine enflammée. Il est violent et drôle, touchant et sec. Tous les ressorts du westerns sont retenus : le braquage de banque bien sûr, mais également les courses-poursuites au revolver, les jeux d'argent, les tensions palpables entre plusieurs personnages, et le vieux shérif à 3 semaines de la retraite.... S'il aurait pu tomber dans le cliché, Comancheria l'évite soigneusement : adapter un western au XXIe siècle n'est pas chose aisée. Ce film n'aura pas la postérité d'un John Ford, mais a le mérite d'essayer de transposer les USA du 2nd amendment dans le monde d'aujourd'hui.


La philosophie de ce film résume parfaitement les fondements de l'Américanité. On peut braquer une banque, tuer plusieurs personnes, et s'en sortir tant bien que mal. On peut également arnaquer des pauvres femmes en les abreuvant de dettes et au final récupérer le pactole. Le rêve américain n'est que la loi du plus fort. Si tu veux réussir, bouffe les autres : ça, personne ne t'en empêchera. On DOIT se faire justice soi-même. Où est la justice alors ? Où est la justice dans une société où il faut voler la même banque qui nous vole ? Il s'agit plutôt d'équité, mais ce sont là deux notions extrêmement différentes. Où est la justice quand le plus puissant gagne ? Pourquoi la seule liberté qui existe est celle de mourir "en seigneur des hautes plaines" ? C'est un Texas désespéré qui est dépeint par David MacKenzie. Il y a de l'exaspération dans ce vieux briscard de Jeff Bridges qui pense pouvoir attendre indéfiniment les braqueurs à un point B, alors qu'ils se rendent au point A. L'unique espoir de ce film est le désir de Toby (Chris Pine) de laisser à ses fils une situation financière stable, et plus qu'idéale. C'est ce qui empêche le shérif de tuer Toby à la fin. Il enraye la mécanique : il sait que l'injustice a parfois mené à la justice. Un monde plus beau est présenté à une famille type, qui croule sous les dettes. Pourquoi aurait-il besoin de se venger pour ceux qui ne sont plus là ? Le Comanche est "l'ennemi de tous", mais doit savoir parfois s'incliner devant la Fortuna, roue irrationnelle de la fortune, qui élit ses protégés.


Puissant film que ce Comancheria : au-delà d'un scénario original et d'interprétations solides, il se targue d'une très belle caméra et d'une BO idéale. Cette année 2016 étant très pauvre en bons films, on pourrait s'attarder sur celui-ci.

Alexandre_Gauzy
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le 10 sept. 2016

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Alexandre G

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