Orelsan est un rappeur à la mode depuis quelques années, plus souvent proche d'un pop/rap gentillet que d'un rap pur et dur, il séduit néanmoins le grand public. Beaucoup de personnes n'aimant pas le rap apprécient Orelsan tandis que les amateurs du genre ont plus de mal à accepter son succès et le fait qu'il représente l'image du rap français. Orelsan écrit des textes simples auxquels peuvent s'identifier bon nombre d'entre nous et c'est sans doute ce qui fait son succès.
L'annonce d'un film n'a pas fait l’unanimité, que ce soit chez les fans ou les autres, on ne s'improvise pas réalisateur du jour au lendemain et le passage d'un média à un autre peut parfois se faire douloureusement. Je faisais partie des sceptiques mais les bons retours m'ont incité à lui laisser sa chance.
Comment c'est loin raconte l'histoire de ces 2 potes, Aurélien et Gringe, qui vouent un amour au rap et rêvent de sortir un album. Ils en ont la possibilité mais l'inspiration ne vient pas, ils se laissent aller : 9 ans après, ils ont la trentaine et rien n'a bougé.
Aurélien a un taf pénard mais qui ne lui apporte aucune satisfaction personnelle et va même à l'encontre de ses valeurs avec un patron raciste. Gringe, comme son ami, navigue sur un océan se laissant guider au gré du vent et ne cherchant jamais à contrôler son radeau de fortune.
Innachevés, c'est l'image de leurs vies et des nôtres.
Aurélien et Gringe, c'est toi, c'est moi, c'est nos potes.
Traîner avec des gens par dépit, ne pas avoir le courage de quitter sa copine ou son taf, chercher la sécurité plutôt que prendre le risque d'avoir quelque chose de plus vivifiant par peur de l'échec.
Qui n'a jamais eu des rêves et des projets multiples sans jamais les accomplir? Mais il est rassurant de se dire qu'on a un objectif, une raison autre de se lever que de gagner de l'argent, quelque chose de personnel qui nous définit. Mais à mesure que les années passent, ce sont les frustrations qui s'accumulent et les rêves se font plus rares.
-Je vais écrire un livre
-Je vais monter ma société
-Je vais créer un jeu vidéo/une série/un film
-Je vais faire insérer le nom d'un métier trop cool mais super inaccessible
-Je vais faire le tour du monde
Toujours avec le « un jour » avant, cet élément intemporel si lointain et incertain qui ne donne aucune limite de temps, peu importe si cela fait 10 ans que tu en parles et que tu n'as toujours rien fait.
Nous sommes la génération désenchantée plus que jamais, dans un contexte économique et politique qui stagne, nous sommes les victimes, incapables de trouver un sens à notre existence.
On rêve pour oublier un quotidien morose, on rêver pour se rassurer, se dire qu'un jour on vivra. Et on passe à coté de tout, le temps défile sans qu'on puisse le contrôler. Et il suffit de pas grand chose pour être un marginal. En étant hors du système tu n'as plus le droit d'exister, plus le droit de t'exprimer, tu ne le "mérites" pas et on te le rappelle suffisamment au quotidien.
Dans un monde qui divise et ou le peuple est incité à écraser ses voisins pour mieux réussir, les valeurs simples se perdent et la compassion n'est pas encouragée, être bon c'est être con.
A l'image des personnages, on est nombreux à être des losers selon les critères de la société.
L'avenir appartient à ceux qui se lèvent à l'heure ou je me couche
Comment c'est loin n'est pas un film très marquant, plutôt paresseux d'un point de vue technique mais l'histoire de ces personnages auxquels on peut s'identifier associé au flow des casseurs flowters offre un résultat suffisamment convaincant pour l'apprécier et le conseiller. Un film intimiste qui met en avant des personnages losers et humains sans jamais sombrer dans l'exagération.
Transposer l'album en film n'était sans doute pas nécessaire en soit mais permettra sans doute une plus grande accessibilité à des gens qui n'auraient pas écouté l'album d'eux même.