A sa sortie en 2003, j'avoue sans honte avoir kiffé ce Daredevil. Au point de le gratifier d'un bon sept sur ce seul souvenir un peu enjolivé, lors de mon inscription sur le site il y a presque six ans déjà, quand on découvre Sens Critique et qu'on note en rafale histoire de se constituer sa vitrine cinéphile.


Le relancer aujourd'hui dans le cadre d'un pseudo marathon Marvel a tout de l'expérience : car je me suis demandé tout d'abord ce qui motivait le mépris unanime qui portait sa triste réputation, tout en me questionnant sur mon goût pour le film de super héros, que beaucoup ont, je pense, déjà jugé douteux.


On sent Mark Steven Johnson investi, c'est un fait, et ce dès les premières minutes quand il essaie de restituer une image culte du comics, Daredevil se cramponnant à une croix au sommet du toit d'une église. L'impact est immédiat, d'autant plus que l'Homme sans Peur est mal en point, attrapant à pleines mains la bienveillance du spectateur.


Il y en aura quelques unes, d'images de la même trempe, comme l'affût entre les gargouilles, la mort d'Elektra ou cette chute vertigineuse d'un immeuble. Sauf que cette fidélité graphique ne suffit pas, malheureusement, tout comme le fait de puiser dans la période Frank Miller du personnage, sans doute une des plus appréciées.


Pourtant, la jeunesse du héros, les rapports avec son père, en forme d'admiration, sont plutôt bien restitués au point de provoquer quelque chose dans le coeur du spectateur. Tout comme la manifestation du super pouvoir de Matt, assez bien pensé et suffisamment graphique pour susciter l'intérêt et la curiosité.


Tandis que les séquences d'action sont généralement bien pensées et honorablement exécutées, même s'il n'y a guère d'éclats.


Rendant Daredevil intéressant à suivre, mais ne transcendant jamais sa condition d'oeuvre sympa sans plus, car il n'est pas possible de fermer les yeux sur les défauts d'un film à tout le moins perfectible, perçu comme une immondice et une insulte par beaucoup ici. A tort, donc, s'agissant d'une telle réaction démesurée.


Oui, Colin Farrell est en roue libre, c'est un fait. Sauf que la folie et la dimension spectaculaire de Bullseye sont plutôt bien rendues eu égard à sa source papier. Le personnage n'est donc pas trahi. Mais Mark Steven Johnson aurait dû mieux contrôler l'interprétation livrée, et surtout raboter du montage final des touches d'humour malvenues et autres mimiques ou punchlines parfois limites ridicules de son comédien.


Mais cela est sans doute le moindre des avatars affectant Daredevil, qui souffre malheureusement d'un scénario peu inspiré, trop rempli pour sa durée de projection et mal mené dans son approche. Et d'une maladresse parfois assez balourde. Du moment de la rencontre amoureuse expédiée, se terminant en combat en forme de concours de bites, de cette romance gnangnante dont la consommation est tout droit issue d'un film de seins des années 80 passant sur M6, Daredevil enfile certaines de ses idées sans aucun liant, sans éviter les approximations et autres fautes de goût parfois assez redoutables faisant lever les yeux au ciel.


C'est d'autant plus difficile à avaler que d'autres combats demeurent agréables à suivre et cohérents, que certains éléments de la vie de Daredevil sont bien vus, comme les stigmates de ses combats précédents, sa baignoire cercueil ou son dilemme lié au secret de son identité, analogue à celui de Spider-Man. Ou encore son rapport à la presse et la ville qu'il protège.


Mais contrairement à Sam Raimi, Mark Steven Johnson se montre tout simplement incapable d'incarner son film. Qui se résume finalement à une suite d'aventures, pas désagréables au demeurant, mais qui ne provoquent pas grand chose, agitant quelques personnages vides pour lesquels on se prend jamais réellement d'affection. Sur ce terrain, il est assez meurtrier de se rendre compte que le jeune Matt Murdock suscite bien plus de bienveillance que son alter ego adulte, alors que Johnson étale pourtant sur sa table de montage tous les éléments nécessaires à une dramaturgie d'envergure, dont la culpabilité, seulement esquissée ici, du super héros.


Si Daredevil n'est donc pas la purge que beaucoup ici décrivent de manière condescendante, il manque de la chair et de l'incarnation nécessaire au succès d'une telle entreprise, par ailleurs castrée avant sa sortie en salle, ce qui n'aide pas non plus.


Mais il me reste malgré tout, devant ce film, une étrange sentiment, une forme d'attirance qui va me faire vous dire que tout est loin d'être à jeter ici. Comme le côté sombre de cette ville plongée dans la nuit et l'emprise criminelle, cette noirceur du regard portée sur la justice, aveugle, ou encore ce personnage taciturne dont le costume oscille entre le rouge de l'enfer et le noir des ombres dans lesquelles il se tapit.


Ce ne sera sans doute qu'une bien maigre consolation pour certains.


Behind_the_Mask, pauvre diable.

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le 9 févr. 2020

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Behind_the_Mask

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