Première réalisation live d’un jeune réalisateur coréen venu du cinéma d’animation – pour lequel il a déjà réalisé quatre longs-métrages – Dernier Train Pour Busan est un film de zombies dont le succès ne peut être nié : je n’aurais jamais imaginé partager ma séance avec une trentaine de concitoyens, ici à Calais, un dimanche soir ! L’effet Cannes ? S’il n’est ni transcendant ni formellement novateur, l’opus est particulièrement bien mené et graphiquement très réussi. Le suspense ne tient peut-être pas le spectateur de bout en bout, mais



l’émotion est là.



Le scénario met en scène trois couples hétéroclites : un père gestionnaire d’actifs boursier, débordé par le travail, et sa jeune fille, isolée, triste ; un mari sympathique mais un peu balourd et sa femme enceinte, fragile ; une jeune star locale du baseball, timide, et sa première groupie. Si ce n’est effectivement pas du côté des zombies qu’il faut chercher les plus grosses réussites ni les plus grosses angoisses du divertissement, c’est bien parce que l’auteur prend soin de s’attacher à ses personnages principaux, et parvient à développer entre eux, en quelques esquisses à peine,



des relations à la fois profondes et facilement identifiables,



particulièrement parlantes. Toute la réussite du film tient en grande partie de cet axe du récit qui s’articule autour de l’évolution, de l’affirmation de ces personnages masculins un peu stéréotypés, un peu autistes des sentiments, mais qui ne vivent, malgré les apparences, que pour leur fille, leur épouse ou leur amie. Et qui, quand ils le réalisent, n’hésitent pas un seul instant à se dévouer, corps et âmes, à elles. À se mettre en danger pour leur survie. C’est bien, derrière la forme de l’apocalypse zombie, un film qui dans le fond célèbre l’amour et la magie de la vie.
Cette vie qui jamais ne renonce.


L’autre réussite du métrage, peut-être évidente pour un ancien de l’animation, c’est



l’impact graphique :



peu de plans superflus ; jamais de surcharge dans l’image pour que celle-ci reste toujours lisible au premier coup d’œil ; un jeu de couleurs, de contrastes et de lignes qui sert le récit à chaque instant ; et un montage aussi dynamique quand nécessaire que reposé pour les besoins du rythme narratif. L’auteur montre là qu’il sait s’accommoder de l’humain pour raconter son histoire, créer de l’émotion, et que la caméra, aussi lourde soit-elle, reste un instrument du réel autant que le dessin.


On pourra regretter l’absence de rationalisation des zombies, un peu survolés, réduits au rang de menace à fuir ; on pourra critiquer le jeu parfois un peu pâle du personnage principal, celui exagéré d’un personnage secondaire qu’on apprécie haïr. Mais dans l’ensemble, Dernier Train Pour Busan fait la part belle à l’imagerie traditionnelle du film d’angoisse : humour, sursauts, bains de sang et regards vitreux. On pourra regretter le côté simpliste de l’approche sociale de ce nouveau film de zombie, calqué de loin sur les meilleures œuvres américaines du genre, mais là encore, ce choix reste efficace et le contraste entre l’égoïsme des uns et l’altruisme des autres renforce



la fable humanitaire.



Force la leçon de morale.


Entre classicisme et méthodologie, Sang-Ho Yeon signe un premier long-métrage live digne des meilleurs films de morts-vivants, nettement meilleur que World War Z par exemple, avec la parfaite maîtrise d’un huis-clos à la fois tendu et plein d’émotions.



D’un huis-clos changeant et en mouvement, intense.



Suite de son dernier film d’animation Seoul Station, cet opus donne évidemment envie de découvrir ce métrage qui le précède autant que ses autres expériences animées. Le spectacle est là, et le spectateur se laisse embarquer avec plaisir dans ce wagon qui n’oublie ni le propos ni l’émotion.

Créée

le 21 nov. 2016

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