Oh là là mes aïeux, quel film  !


Une histoire à la con, un pauvre type, endetté, tout juste largué décide de mettre fin à ses jours en sautant d'un pont. Bad luck ou pas, il se réveille sur une île au beau milieu de Séoul et ne sachant pas nager, se retrouve dans l'obligation de la squatter en devenant une sorte de Robinson Crusoé. Caste away. Ce qu'il ignore, c'est qu'une jeune demoiselle l'espionne depuis la chambre d'un immeuble, pièce dans laquelle elle vit recluse depuis très longtemps. 34 de mes éclaireurs ont noté Castaway on the Moon, pas un ne lui a mis moins de 6, en voilà un signe qui ne trompe pas. Ou alors tous sont ultra friands de cinéma en provenance du pays du matin calme. C'est sûrement un peu le cas, mais je pense que la vérité est un peu plus compliquée que ça. Les coréens ont un don lorsqu'il s'agit de traiter des personnages abîmés, vivant des situations parfois dramatiques ou glauques, dans une œuvre cinématographique. J'en suis de plus en plus convaincu, et ce n'est pas ce petit bijou qui m'incitera à penser le contraire. Que ce soit par le biais de l'humour (ce Kimssi pyoryugi, titre original), très fin bien souvent, ou de délicatesse (Memories of Murder), ou carrément de manière frontale (Oasis) ou violente (The Murderer), ils y parviennent souvent avec brio là où d'autres s'y seraient cassé les dents.


On suivra donc deux heures durant, l'apprentissage de cette nouvelle vie pour Kim, cet ancien cadre qui va apprendre à pêcher, à cultiver. L'île sera le théâtre de saynètes qui nous amèneront plus d'une fois au bord des larmes, de par leur caractère à priori simplistes tout en étant pourtant si lourdes de sens. A ce titre, le film de Lee Hae-jun est une véritable poésie animée, laissant parler les images sans jamais sombrer dans la facilité. Il nous prouve que malgré tous nos moyens de communication actuels, nous sommes bien souvent laissés à nous-mêmes. Et que l'Homme n'a pas besoin d'une île pour être isolé. Et tout un tas d'autres choses, à ressentir surtout. On pensera forcément à Seul au monde, mais comparer le film de Zemeckis avec Des nouilles aux haricots noirs - son autre titre chez nous – ne sera pas nécessairement judicieux dans la mesure où à mon sens, le rythme du coréen est bien mieux géré, de même que l'émotion, la cohérence de sa mise en scène, ou encore son humour (mais j'aime bien Wilson quand même, rassurez-vous). Vous l'aurez compris, ce Castaway m'aura bien plus touché que Cast Away, malgré les efforts titanesques accomplis par Tom Hanks pour donner vie à son personnage. Car face à lui, Jung Jae-Young – croisé au détour de Sympathy for Mr Vengeance ou The Quiet Family aux côtés des gigantesques Choi Min-sik et Song Kang-ho - et Jang So-yeon – que l'on a pu voir récemment dans The Strangers - touchante à souhait, proposent une partition stellaire, pour ne pas dire lunaire, pour rester dans le thème.


Jusqu'à la dernière image, pleine de poésie elle aussi, ce Castaway on the Moon m'aura surpris et bouleversé. Mes attentes étaient pourtant élevées vu les magnifiques textes que j'ai pu lire sur le site, celui de brunette, du barbu ou de Pif, pour n'en citer que quelques-uns. J'en ressors comme une nouille...et une folle envie de manger des haricots noirs.

Gothic
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le 3 août 2016

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