Tarantino est un grand gamin. Cinéphile jusqu’au bout des ongles, il n’a de cesse de revisiter les films de genre. Il en dynamite plus ou moins habilement les codes à grand renfort de logorrhées humoristiques, de violence esthétisée à l’extrême et de typographie Helvetica taille 60.

Dans Django pas de surprise, on est bel est bien dans un Tarantino. En huit films, le style du réalisateur est reconnaissable entre tous même si depuis, de nombreux autres ont essayé de l’imiter (mais non Guy Ritchie, pas toi, tu as ta propre esthétique, ne te sens pas visé). On peut donc dire sans aucune surprise que ceux qui détestent Tarantino, détesteront l’intégralité du métrage et ceux qui adorent, savoureront chacune des 164 minutes du film. Reste à déterminer l’appréciation de tous les gens au milieu de ces deux bornes.

Pour son huitième long métrage, l’ami Quentin accomplit enfin son rêve de fan boy, réaliser un western que beaucoup qualifieront de spaghetti, mais simplement western selon moi. Il est bien sûr évident que les références les plus explicites vont à Corbucci et à Sergio Leone dont bon nombre de clins d’œil s’adresse à sa filmographie et ses techniques de réalisation notamment dès le générique avec la typo si caractéristique, les changements de profondeur de champs et les travelling avant rapides. On retrouve aussi ce « Leonisme » dans la galerie de méchant tous plus moches et sales que jamais. Si les clins d’œil à Leone sont légions, il n’est pas le seul à en bénéficier. Tarantino rend aussi hommage aux réalisateurs de western américains comme Ford ou Hawks pour les classiques, et George Roy Hill, Sam Peckinpah ou encore Arthur Penn pour le nouvel Hollywood.

Mais la plus grosse référence du film n’est finalement pas cinématographique, mais littéraire. En effet on se retrouve plongé dans le Mississipi de William Faulkner avec ces riches familles à la limite de la consanguinité et ses tripotés d’esclaves noirs, maltraités comme jamais, du garçon de ferme à la soubrette en passant par les gladiateurs modernes.

Mais toutes ces références n’auraient aucun intérêt si les quatre piliers majeurs du film ne leur donnaient du corps. Le premier atout est une mise en scène une fois encore bien léchée, avec un vrai sens du rythme mais pour une fois sur une trame chronologique structurée linéairement. On ne va pas s’en plaindre, car le style discontinu était inadapté dans Inglorious Basterd. L’esthétique est très travaillée et certain plans sont sublimes (le mec du klu klux klan abattu en hors champs avec la caméra qui revient sur le cheval maculé de sang sur la crinière m’a particulièrement marqué). Certain trouveront ça poseur, pédant, relevant uniquement de l’exercice de style, je ne m’opposerai pas à eux, il est difficile de juger de toute la pertinence du travail de forme de Tarantino. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un film de vengeance diablement efficace qui sait ménager ses effets.

Ensuite, il y a le casting qui une fois n’est pas coutume chez l’ami Quentin, assure à tous les niveaux. On a donc droit à un Jamie Foxx tout en retenu mais impitoyable (qu’est-ce que cela aurait donné avec Ouil Schmitt !), Un Christopher Waltz cabotin et mielleux qui reprend un peu son rôle de Hans Landa, mais en humaniste pragmatique et une Kerry Washington qui elle ne m’a pas envouté plus que ça dans le rôle de Hilde l’esclave qui parle la langue de Goethe (décalage amusant). Côté méchant, Dicaprio s’amuse follement dans son rôle sadique de roi du coton amateur de phrénologie et de pugilat, mention spécial à son râtelier dégueulasse, à vous dégoûter des cigarillos. On a aussi droit à un Don Johnson membre du KKK vraiment drôle et surtout à un Samuel L. Jackson hilarant en Oncle Tom, utilisant son meilleur accent du sud pour composer un personnage faible, aigri et manipulateur. Sans doute son meilleur rôle depuis pfffiou…. fort longtemps (Mon Dieu, triple X et Snake in the plane…). Sans compter aussi un Cameo de Quentin himself en Australien bedonnant dont le trépas à défaut d’être subtil est délicieusement potache.

Troisième atout, l’humour. Plus présent, un peu moins noir que dans un Pulp fiction ou un Jacky Brown, ici tout repose sur des dialogues en bois, mais passés à la ponceuse et vernis. De l’Audiard version Dirty South qui fait régulièrement mouche (voir la scène des cagoules mal trouées du klu klux klan, ou les diatribes de Waltz sur ses qualités d’officier de justice). On peut ajouter des punch lines décomplexées et franchement on obtient une écriture qui assure.

Enfin dernier pillier, un classique chez Tarantino, la bande originale qui une fois encore expérimente. Franchement du Tupac au milieu d’un Gunfight, il fallait oser dans un Western même si, dans un autre registre cela fait echo à la B.O de Butch Cassidy et le Kid (avec le morceau Rain drops keep falling on my head) déjà totalement décalé par rapport aux musiques classiques de Western. Bon tout n’est pas expérimental et on trouve de la bonne vieil Folk et des morceaux à la Morricone.

Alors bon, il ne faut pas se voiler la face. Cela ne sert à rien d’auteuriser Quentin Tarantino, de le placer sur un piedestal qui ne lui sied pas. Je ne juge son film qu’en simple qualité de divertissement et à ce niveau-là, franchement, c’est le pied total. Sans cet effort d’abstraction, on pourrait y voir un objet filmique arrogant (LE WESTERN), mais dépouillé de cette prétention Django Unchained vaut plus que le détour.
tigerblood
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le 18 janv. 2013

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