Django Unchained par Anna_M
Par où commencer ? Tout a probablement déjà été dit et redit sur le nouveau Tarantino. Tout est tellement mené d'une main de maitre qu'il paraît presque dérisoire de lister les qualités de Django Unchained. Que dire ? Que le film est doté d'une esthétique magnifique, où se mêlent plans grandioses, jeux d'ombres majestueux et effets de champ-contrechamps superbes ? Que les acteurs transcendent leur rôle, entre un Jamie Foxx transpirant de charisme, un Christopher Waltz habité par la ruse ou un Samuel L Jackson aux frontières de l'effroi ? Que c'est un hommage absolument touchant au genre du western mais plus largement aux grands classiques du cinéma ? Qu'il émane de ce film un souffle épique incroyable ? Que les dialogues et la bande-son sont fidèles à ce qui fait le talent du réalisateur ? Que l'histoire est folle d'intelligence, d'audace et d'originalité ? Que c'est 2h45 de pure jubilation ? Les plaisirs sont multiples devant un film de cette envergure, et parfois tous les sentiments se mélangent. Ce n'est plus juste de la peur ou du dégoût, ce n'est plus juste de l'hilarité, ce n'est plus juste la sensation de planer, c'est tout à la fois. La scène la plus fine du film est probablement celle de la descente de Big joe et ses compères, cagoulés de sacs qui rappellent dangereusement ceux du Kukuxklan, et venus pour tuer Django et M. Schultz. Devant une scène pareille, on se demande comment il est possible de faire mieux. On passe d'un sentiment de peur presque viscéral à une hilarité parfaitement jubilatoire. Cette scène est un modèle d'aboutissement. Tarantino y opère une décribilisation presque totale. Ces hommes cagoulés, ceux qui procurent la peur en plan large, quand ils sont en bande et accompagnés de musique, sont décrédibilisés quand ils sont vus « de l'intérieur ». Cela nous prend par surprise, ce soudain revirement de situation. Les voilà maintenant ramenés à leur rang d'hommes et à toutes les petites bassesses ridicules qui les sous-tendent. Le public explose alors littéralement de lire, et l'humour de cette scène joue d'ailleurs sur le crescendo. Mais le cinéma, d'une certaine façon, est dé-crédibilisé lui aussi : ce n'est qu'un vaste mensonge avec lequel Tarantino s'amuse allègrement. Il prend un plaisir fou à nous faire passer d'un sentiment à l'autre en l'espace de quelques minutes. Cette scène est incroyablement fine et ludique : elle nous suspend presque le souffle au début, tant elle est intense, puis fait exploser la pression d'un coup en provocant l'hilarité de tous les spectateurs. Oui, c'est lui qui tire les ficelles, et c'est lui qui décide. S'il veut nous faire peur et nous faire rire 10 secondes plus tard, il peut le faire. Spike Lee critique le malmenage que Tarantino fait ici de l'histoire. Mais lui-même sait pertinemment qu'un film est par définition une œuvre de fiction, un endroit où tout peut exister le temps de quelques heures. Que l'on parle de racisme à propos de Django Unchained semble également assez grotesque. Ce film n'est pas raciste, c'est une évidence. Il est par contre totalement manichéen. Il y a le bien/le mal; les méchants/les gentils; et surtout, il y a de la vengeance. Alors bien sûr cela peut déranger sur le principe, mais devant une telle virtuosité dans la façon de raconter une histoire, les réticences morales ne tiennent pas debout bien longtemps. Finalement, il semble presque vain de chercher à expliquer les raisons qui rendent ce film époustouflant. Pourquoi ? Parce qu'avec Django Unchained, Tarantino prend le spectateur et l'emmène sur une planète dont lui seul a le secret. Il se crée dans la salle de cinéma une atmosphère très particulière, où l'on se sent à la fois coupé de tout ce qui nous entoure, et à la fois relié à tout le public. Car en fait, on n'est pas juste en train de regarder un film, on est en train de partager une expérience. Pendant 2h45, les spectateurs deviennent des camarades de voyage. C'est le genre de film qui fédère, qui cimente une salle de cinéma, où l'on rit pour ce qu'est le film, mais aussi parce que l'on entend les autres rire. Finalement, Tarantino est un marchand de rêve qui nous fait ressortir avec les yeux pleins d'étoiles. Et Django unchained est un de ces films qui fait regretter que la vie n'en soit pas un.