Le talent de Flanagan dirige cette pseudo-suite vers une variation fascinante et occulte des "X-Men"

Malgré le fait que cette suite ait été adoubée par Stephen King (contrairement au « Shinning » original), elle risque de décevoir les puristes fans du premier film tant elle s’en éloigne et que les raccords entre les deux films paraissent maladroits. Tout du moins sur grand écran, on ne parlera pas du bouquin. Pourtant on peut sans hésiter dire que « Doctor Sleep » est à « Shinning » ce que le magistral « Blade Runner 2049 » était à « Blade Runner » il y a deux ans, toutes proportions gardées. Si le tout début du film et la fin tentent de raccrocher les wagons de manière un peu poussive, l’intérêt de cette fausse suite est clairement ailleurs. C’est même dans ces moments que le film est le moins réussi, notamment dans l’épilogue grandguignolesque qui alterne scènes réussies (l’affrontement final entre Ferguson et McGregor) et d’autres qui laissent plus circonspects (la première ballade à l’Overlook Hotel et la scène du bar). Mais sur un film qui dure plus de deux heures et demie, on n’en tiendra pas compte tant ce que propose le film se révèle passionnant en créant une mythologie intéressante et toute autre qu’on aimerait voir développer dans un autre film.


Il est clair que « Doctor Sleep » fait indéniablement penser aux films « X-Men » mais dans une version horrifique et occulte (version qu’on attend depuis deux ans avec « Les Nouveaux Mutants » et qu’on ne verra peut-être jamais). Alors il est facile de dire que tous les films mettant en scène des pouvoirs dits paranormaux (télékinésie, télépathie, …) peuvent y faire référence comme c’était le cas pour l’avant-dernier Tim Burton, « Miss Peregrine et les enfants fantastiques » ; mais ici c’est évident. Ceci mis de côté, on est face à un long-métrage qui prend son temps et s’avère peut-être l’une des meilleures bobines fantastiques de l’année (plus que d’horreur pour le coup). Un blockbuster pourtant, à visée commerciale, mais qui balaye clairement toute la concurrence low-cost à la mode, des « Countdown » aux « Annabelle », dix-huitième du nom. Un peu comme le premier volet de « Ca » le faisait il y a trois ans. Un film tiré d’un roman de Stephen King encore une fois. L’homme se positionne certainement comme l’écrivain le plus prolifique sur grand écran. Il n’y a aucune précipitation dans le film, le script prend le temps de présenter les personnages et les enjeux mais sans jamais ennuyer et nous emporte et nous envoûte dès les premières minutes pour ne plus jamais nous lâcher jusqu’à son dénouement.


Les premières notes de musique reconnaissables entre toutes du thème de « Shinning » mettent dans le bain d’emblée et on se laisse embarquer par cette variation sur le thème des humains dotés de dons, partagés entre bons et mauvais, et qui vont s’affronter. La vision que propose le film de la secte des vilains est pertinente et originale, on voudrait même en savoir plus sur ces gitans surhumains qui cherchent la vie éternelle. De leurs costumes à leur mode de déplacement comme leurs desseins et leurs pouvoirs, tout est réussi. A ce titre Rebecca Ferguson écrase par son jeu son partenaire, un Ewan McGregor que l’on trouve un peu fade. En revanche, même si Mike Flanagan est le choix parfait pour cette adaptation (souvenons-nous de l’inédit « Oculus » et de sa visiblement très réussie série Netflix « The haunting of hill house » pour s’en convaincre), il aurait pu encore magnifier une mise en scène pourtant élégante et travaillée du plus bel effet. Les sursauts et la peur sont peu présents mais on a droit à quelques fulgurances horrifiques bienvenues et mémorables (comme lorsque les vilains meurent et se décomposent). Vu comme une réelle suite de « Shinning », ce « Doctor Sleep » pourra décevoir mais en tant que film unitaire, il est parfaitement réussi et convaincant et on se laisse prendre durant toute la projection par une mythologie fascinante et tangible, malgré l’aspect fantastique qu’elle revêt. Une mythologie qui fait réfléchir et développée juste comme il faut pour une œuvre à la lisière du thriller et de l’horreur que l’on qualifiera de haute couture sans hésiter.


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JorikVesperhaven
8

Créée

le 9 nov. 2019

Critique lue 538 fois

2 j'aime

Rémy Fiers

Écrit par

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