Adaptation de L'autre comme moi de José Saramago, Enemy avait pour atout d'être estampillé de l'étiquette Denis Villeneuve, et succédait par la même occasion à son sensationnel Prisoners ; et alors, qu'entre temps, la découverte de Sicario me confortait dans l'idée que le cinéaste canadien en avait beaucoup, vraiment beaucoup, sous le pied, sa nouvelle collaboration avec l'incontournable Jake Gyllenhaal n'augurait que du bon.


Comme de juste, Enemy est indéniablement brillant, mais un élément prépondérant dénote : il est éminemment alambiquée, au point d'avoir suscité un semblant de controverse et de nombreuses demandes d'éclaircissement quant à son véritable intérêt ; de fait, ce long-métrage se voit truffé de faux-semblants, suggestions et autres différents niveaux de lecture, de quoi donner lieu à un dénouement laissant ni plus ni moins pantois... comme à l'image du récit dans son ensemble.


Toutefois, il n'en reste pas moins que l'on perçoit à n'en plus finir sa qualité intrinsèque, et Enemy est de ces films méritant plusieurs visionnages afin d'en saisir pleinement la profondeur scénaristique, ici sublimée par une réalisation de haute volée ; de prime abord une photographie terne et jaunie domine les débats, support d'une ambiance morose sans véritables coups d'éclat, quoique pesante de bout en bout du fait d'une BO lancinante (bravo Danny Bensi et Saunder Jurriaans).


Ce cadre visuel énigmatique comme hypnotique facilite l'immersion du spectateur, de quoi braver plus aisément la complexité certaine de son propos ; on se retrouve donc suspendu à un récit très imagé, marqué d'un développement disons allégorique de ses thèmes implicites : cet effrayant engagement qu'est le mariage (pareil à une toile...) et la femme (... d'araignée) qui l'incarne.


Au beau milieu de tout ceci, un consensus avéré portant le nom de Jake Gyllenhaal, qui crève comme à son habitude l'écran ; son interprétation duale sans grandiloquence témoigne de toute la densité caractérisant ses personnages, au point de voir l'ensemble de la galerie secondaire graviter autour de ces derniers (bien qu'annexes, ces protagonistes produisent un effet des plus efficaces, d'autant que le casting l'est tout autant).


Bref, Enemy est un long-métrage difficile à appréhender, mais nul doute que Denis Villeneuve a parfaitement transposé à l'écran le propos originel tenu par José Saramago ; sa réalisation est tout aussi particulière que son contenu, mais superbe à bien des égards bien que faisant (faussement) grise mine (excellente photographie de Nicolas Bolduc)... à défaut d'être un coup de coeur, voici un film grandement original et bien foutu, comme on en fait peu.

NiERONiMO
8
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le 2 févr. 2016

Critique lue 432 fois

NiERONiMO

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