Unhinged aurait gagné à ne pas penser, à se concentrer sur la traque de cette jeune mère et de son fils comme incarnation d’un rapport de prédation qui rattrape l’individu dans la société, comme incarnation de cette bête humaine qui sommeille en l’homme et qu’un coup de klaxon suffit à réveiller. Car lorsqu’il injecte dans son long métrage une prétendue analyse sociologique de l’individu contemporain broyé par le système, nous sentons que tout cela n’est que fumette, vole au vent et remplit l’heure et demie au lieu de véritablement réfléchir sur son sujet.
En résulte une impression dommageable d’expérience pseudo-scientifique dans laquelle la famille et le pilote fou seraient des rats enfermés dans une boîte que le réalisateur secouerait pour observer leurs réactions. Une telle démarche supposait en amont la pertinence d’un regard et une rigueur d’analyse, ici absentes au profit d’une clausule bêtement rétrograde qui invite le spectateur, comme le ferait un clip de prévention diffusé sur chaînes publiques, à se détendre. Petite morale d’autant plus paradoxale que le film témoigne d’une complaisance dans la violence qu’il met en scène, confondant souvent le travail du suspense et le déchaînement primitif du mal avec l’arrière-boutique de la boucherie Sanzot, en particulier lors de l’entretien disons saignant avec le meilleur ami de Rachel dans un diner, tout à la fois invraisemblable et facile.
Si Unhinged pèche en adoptant une posture intellectuelle qui ne lui sied guère, reconnaissons néanmoins sa force de mise en scène qui sait réaliser des séquences de traque haletantes en limitant la durée de ses plans sans les surdécouper, forte également de cascades fracassantes et d’une musique anxiogène signée David Sardy. Quant à Russell Crowe, sa prestation convainc sans faire des étincelles, la faute à la précarité d’écriture de son personnage que l’anonymat rend monolithique. Voilà donc un film tiède mais qui a le mérite de privilégier l’efficacité brute pour représenter la bête humaine contemporaine saisie dans sa radicalité fondamentale.