Nous tenons là un film extrêmement touchant, brillant ainsi qu'inclassable, sans doutes l'un des plus beaux jamais réalisés sur le sentiment amoureux : l'éloquent Eternal Sunshine of the Spotless Mind ! Vision hégélienne de la relation conjugale le film de Michel Gondry, sous des dehors foutraques et déstructurés, nous plonge dans l'esprit de Joel ( Jim Carrey, extraordinairement sobre et attachant ) avec une maestria visuelle absolument magique : les effets spéciaux, mis au service d'un scénario imposant et passionnant, dépeignent l'imaginaire du film au fur et à mesure qu'il s'écrit. Cette impression de métrage en roue-libre, décousu voire incohérent n'est en fin de compte qu'un leurre, tant les ramifications du récit complexe de Michel Gondry et Charlie Kaufman se rejoignent pour donner à la vision d'ensemble de leur objet filmique une aura bouleversante et universelle !
En bon film mélancolique et sentimental Eternal Sunshine of the Spotless Mind oriente son regard vers le passé de son personnage principal : amoureux de l'exubérante et excentrique Clémentine ( Kate Winslet, dans son plus beau rôle ) Joel vagabonde entre rêves, souvenirs et réalités présentes. Comptant jusqu'à trois ou quatre niveaux de narration s'imbriquant les uns dans les autres ce drame loufoque et poignant avance comme à rebours, à la fois tendre et farouche, ne cherchant ni à plaire ni à complaire au plus grand nombre. L'écriture de la fable, des personnages et des situations est un véritable tour de force, et le montage dé-chronologique retranscrit de manière idéale l'incursion onirique adoptée par le spectateur et le personnage joué par Jim Carrey ( auquel on s'identifie inévitablement ).
Ce découpage technique épars, beaucoup plus maîtrisé qu'il n'y paraît de prime abord, est une mise en image éloquente des fulgurances et des bribes de rêves vouées à être refoulées : entre deux eaux, entre le sommeil et l'éveil, Eternal Sunshine of the Spotless Mind parle finalement de l'impossible capacité à effacer ses propres souvenirs, montrant cette volonté de supprimer tout en conservant avec une sensibilité inouïe. Le film de Michel Gondry peut se vanter sans mal d'appartenir aux films les plus originaux des années 2000. Une belle claque d'humilité et d'émotions.