Le 2.0 finissait en apothéose. Le 3.0 fait table rase des attentes d'une suite "logique". On fait comme si on n'avait rien vu. On rajoute directement 14 ans au compteur scénaristique. Ni vu ni connu. Pourquoi pas, c'est audacieux. Mais ça ne semble qu'un artifice pour faire l'impasse sur une ascension scénaristique devenue trop raide.

Sans remettre totalement les compteurs à zéro, on sent le côté pratique de retrouver un Shinji empôté qui tente vainement de retrouver ses habitudes. Quelle joie de retrouver de nouveaux side-kicks inutiles, les anciens encore plus anciens, un monde en ruine encore plus désespéré... Et encore moins de clarté à l'univers. Quand le brouillard se dissipe, rajoutez plus de brouillard, voilà la recette. Certes, c'est un très beau brouillard avec une vraie ambiance. On ne sait plus vraiment où on va, on se laisse porter par les images. Un voyage onirique avec un léger parfum de déception. On réalise qu'on peut toujours rêver pour un Evangelion qui ne laisse pas sur sa faim. A chacun de se faire sa fin probablement... La série continue à se dérober, elle se veut insaisissable, à la limite de l'hermétisme. Des bribes d'informations nous leurrent quant à une logique intelligible. Les ellipses sont nombreuses, les informations utiles sont rares et éparses, c'est le Twin Peaks des animés. L'annonce du 4 laisse présager tout et n'importe quoi. On peut se contenter de la symbolique que veut porter la série, et au jeu qu'elle joue avec les attentes des spectateurs. J'attendais une suite à ce que promettait le 2.0, on a droit à un pied de nez qui peine à combler la déception. Anno refuse-t-il la "facilité" ? Cherche-t-il à nous confondre dans une oeuvre métaphorique divertissante dont la frustration doit nous pousser à nous interroger ? Ou est-il simplement incapable de conclure son sujet ? Nous verrons les prochains opus.

Il n'y a plus qu'à se raccrocher à une métaphore suggérée par le 3.0. Le spectateur est à l'image de Shinji. Le temps a passé, le monde a changé, et pourtant il continue à se réfugier dans une vision du monde obsolète. Eternel enfant sur lequel le temps et les catastrophes n'ont pas de prise. Il subit, il souffre, et pourtant il est responsable de ce monde qu'il ne comprend pas. Le personnage de Kaworu est une ouverture sur une autre perspective, il est un double transitoire, il est un tremplin sur le monde, il est l'inconscient de Shinji, il est l'illusion qui doit s'imposer et prendre forme dans sa réalité. Cette prise de conscience en est une parmi d'autres. The show must go on.

Ce 14 ans après apporte un rebond d'Evangelion dans une direction qui ne plaira pas à tout le monde. Restera-t-il un chef-d'oeuvre imparfait, nébuleux, saupoudré de fan service dispensable ? Ce 3.0 manie allègrement le chaud et le froid dans une robe éclatante et tapageuse. Le divertissement est incomplet, la réflexion lacunaire. Cette nouvelle mise en bouche est insatisfaisante, mais pas désagréable. On peut regretter toutefois l'envolée du 2.0. Le 4.0 saura peut-être combler ce qu'il manque à ce hors-d'oeuvre. Le menu est en cours.
Cowabunga
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le 7 août 2013

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