« Ex Machina » est un film britannique, écrit et réalisé par Alex Garland, sorti en janvier 2015 au Royaume-Uni. L’idée du film est venue à Garland alors qu’enfant, il avait parfois l’impression que son ordinateur possédait une intelligence lorsqu’il programmait.


Le postulat du film est le suivant : un homme d’une immense richesse et d’une intelligence brillante, le dirigeant de la compagnie qui développe le moteur de recherche le plus utilisé au monde, a bâti un robot humanoïde féminin à l’intelligence révolutionnaire, Ava. Il souhaite la mettre à l’épreuve, et charge donc, dans le secret de sa maison isolée, l’un de ses employés, Caleb, un jeune programmeur doué et passionné, de faire passer à Ava un « test de Turing », censé évaluer si le robot est capable de se faire passer pour un être humain.


Cette idée de base sert à un questionnement éthique et moral, et met en place une sous-intrigue de thriller psychologique.


La question, décide Caleb, n’est pas de mesurer les capacités conversationnelles du robot (qui pourrait donc avoir été bâti pour y exceller, à l’image des programmes d’échecs les plus perfectionnés qui battent désormais les meilleurs joueurs du monde), mais plutôt d’évaluer la perception que l’androïde a d’elle-même et des autres. Le jeune homme est, par ailleurs, rapidement dépassé par Ava, qui le surprend avec un trait d’humour et le déconcerte en flirtant avec lui. Les thématiques (conscience, sentiments, sexualité, existentialité, droit du créateur sur sa création) sont bien approfondies ici, et traitées avec une certaine intelligence. En cela, le film se démarque de bon nombre de productions récentes sur le même thème, qui sont souvent peu originales et suivent les mêmes schémas.


La grande force du film consiste à s’ancrer dans une réalité plausible. Le futur dépeint dans « Ex Machina » est une anticipation à très court horizon temporel. Emaillant le métrage de références contemporaines et d’actualité récente (notamment à Google, mais également à d’autres trucs très ‘tendance’ : l’espionnage des utilisateurs au doux parfum de NSA, et la sauce "big data" avec l’exploitation d’immenses quantités de données), Garland nous construit un univers crédible, que l’on peut s’imaginer sans peine. Comme le dit le réalisateur :



« Si quelqu'un, comme Google ou Apple annonçait demain avoir inventé Ava, on serait tous surpris… mais pas tant que ça. »



Alex Garland tenait à bénéficier de la plus grande liberté de création possible, et a réalisé le film avec un petit budget (15 millions de dollars, une paille). C’est probablement l’idée la plus heureuse qu’il ait eu, car cela lui a permis de raconter son histoire sans avoir à le polluer avec de l’action digne des purs (ou pires) blockbusters qui fleurissent régulièrement sur le sujet (« Lucy », 40 millions, « Transcendance », 100 millions…).


En dépit de ce budget limité, esthétiquement le film est réussi. Sans être une claque graphique, il fait dans la sobriété, en évitant le piège des décors monochromes trop aseptisés. L’accent est mis sur le rouge, le vert et le bleu (décomposition des couleurs sur trois composantes en informatique). Ils ne prennent pas trop de risque et ont choisi une espèce de vallée incroyable pour tourner, il y a des cascades et des parois qui donnent envie de se remettre sérieusement à l’escalade… (Au passage, il y a des plans de montagne qui ne servent absolument pas le propos du film, qui servent à l’enchaînement entre quelques scènes, je crois que le réalisateur était devenu fainéant et a choisi de filmer quelque chose de beau.)


Enrobé d’une jolie apparence, le film d’Alex Garland nous propose un traitement plus original et intelligent que ce à quoi l’on a bien souvent droit sur les robots et – terme à la mode – l’intelligence artificielle. J’ai toujours plaisir à voir des films où l’on sent une légère influence « Mass Effect » que ce soit dans la musique ou certains décors, par ailleurs. J’ai également une certaine affection pour Domhnall Gleeson, qui, malgré son prénom absurde, réussit souvent assez bien à jouer les gros losers. Oscar Isaac fait des choix de pilosité douteux et joue un personnage assez antipathique. Bon, évidemment, la grosse attraction de « Ex Machina » demeure Alicia Vikander, qui est plutôt juste, et plutôt jolie.

Aramis
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le 3 juin 2015

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