Ce que j'adore par dessus tout, c'est ces films transparents où il est possible de voir l'intégralité des organes qui le composent - ce sont, en fait, des films que l'on devrait toujours regarder lorsqu'on se demande comment écrire un scénario qui tient la route, comment construire une histoire, comment fabriquer un film qui fonctionne.


Heathers, au delà du fait qu'il regorge d'idées brillantes sur le teen-movie qui inspireront sans doute Tina Fey (Mean Girls) et Amy Heckerling (Clueless) quelques années plus tard, est un cas d'école permettant à tout scénariste en herbe de comprendre avec une simplicité déconcertante comment fonctionne un film. C'est peut être pour cette raison qu'on peut facilement détester Heathers : la transparence du scénario rend beaucoup de scènes maladroites, gonflées et exagérées, mais c'est aussi grâce à cette transparence que les 35 dernières minutes du film sont aussi extraordinaires. Si la première partie du film est assez faible (la relation entre JD et Veronica évolue trop rapidement, les personnages secondaires sont survolés, je n'ai toujours pas compris cette histoire de monocle), le génie du film commence clairement à partir du deuxième meurtre - en gardant une ossature de teen-movie classique, le film bascule dans le thriller. Grâce à la transparence du scénario, ce basculement passe presque inaperçu - parce qu'on est tellement sûrs de la suite des évenements, parce qu'on est tellement persuadés de regarder un enième teen-movie à la con, on ne se rend même pas compte du tournant à 360° que prend le film. Et ça, c'est quand même fort. Jouer sur la transparence complète pour mener le spectateur exactement là où il ne s'attend pas à aller.


À première vue, parce que scénaristiquement rien ne change, la transition est presque invisible. Pourtant, à l'image, on quitte progressivement les tons roses, rouges, pastels pour glisser vers une chromatique bleue, grise et verte qui permet au film de basculer dans un nouveau registre sans perturber le spectateur. Plus le film avance, plus la naiveté du teen-movie se trouve malmenée par un scénario de plus en plus grinçant, des images de plus en plus violentes, et une morale de plus en plus acerbe.


Heathers est finalement un film cynique, jusqu'au-boutiste, qui se plait à jouer avec les codes du genre pour appuyer un scénario qui n'a rien d'idiot, mais qui, bien au contraire, pose les bases d'un cinéma nouveau cher aux années 90 : un hybride entre une naiveté sans cesse renouvelée, héritée des folles années 70's et 80's, et la nouvelle crise existentielle qui pointe le bout de son nez à la fin des années 80's, et qui scande dans le cinéma, la musique et les arts visuels - "No Future!".

NanténéTraoré
8

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le 28 nov. 2017

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