Ang Lee est un de ses réalisateurs visionnaires qui à toujours su se mouvoir avec le temps, peu importe le genre dans lequel il s'est essayé il est toujours parvenu à offrir de solides films qui ont marqués leurs époques. Des œuvres solides, pas toujours parfaite, mais qui ont ce "je ne sais quoi" qui les ont rendues cultes. Et après un Billy Lynn's Long Halftime Walk qui est malheureusement passé inaperçu malgré le premier film à s'être essayé au 120 fps mais dont très peu de salles de cinéma ont jouées le jeu le privant de sa prouesse technique et le condamnant à aller dans le mur.


Avec Gemini Man, Ang Lee tente une autre approche en sortant un script qui ère depuis 20 ans dans les méandres d'Hollywood pour lui donner vie mais selon ses conditions. Livrant le premier blockbuster jamais tourné en 120 fps ou en 60 fps en 3D, promesse d'une prouesse technique totalement dingue et dont le budget conséquent du film et la présence de Will Smith en vedette lui assurait une sortie dans des conditions optimales. Car ce genre de films, même tout films d'ailleurs, se doivent d'être vus dans les conditions dans lesquels ils ont été pensés. A une époque où les services de streaming commence à lancer des débats autour de la légitimité de l'expérience en salle, il est bon de voir que certains films peuvent encore proposer une expérience suffisamment nouvelle pour renouveler l'intérêt porté par la salle obscure. Car par bien des aspects, de sa production chaotique à son postulat simpliste de série B de SF, Gemini Man est un film qui aurait pu aisément terminer sur une plate-forme tel que Netflix. Et il faut reconnaître que en dehors de sa prouesse visuelle, le film ne vaut guère le déplacement étant un sympathique mais attendu divertissement. Le scénario est cousu de fil blanc et fait le strict minimum quand à ses réflexions, la caractérisation de ses personnages ou de leur relations. Et en dehors de sa fin expédiée et un peu trop naïve, le film fait un travail honorable car son récit se suit sans déplaisir mais se range dans la catégorie vite vu, vite oublié.


Mais son aspect technique fait ici toute la différence, transformant un correct divertissement, en film d'action tonitruant et vecteur de sensations nouvelles. Gemini Man ne survivra probablement pas hors de la salle de cinéma, et n'appelle pas à un deuxième visionnage surtout sans l'apport technique que le premier à su offrir ce qui en fait finalement sa limite. Mais l'expérience qu'il crée sur ses 2h est grisante tant elle est jamais vu et dispose d'une virtuosité assez rare dans ce genre de productions récentes. Ang Lee déploie tout son talent pour livrer des scènes d'actions à la précision chirurgicale et qui son mues par une fluidité qui laisse pantois. Chaque plans, chaque mouvements sont captés à la perfection favorisant une lisibilité constante. Plan à la première personne, plan séquence ou encore travelling, Ang Lee dynamise son action et la diversifie ne se reposant pas que sur sa technique mais aussi sur sa créativité pour que chaque séquences disposent de sa propre idée et d'un sens du spectacle qui lui est propre. Le découpage touche à la perfection et assure un rythme qui ne retombe jamais, accompagné par une photographie soignée et une composition musicale certes générique mais qui fait son job. Surtout que le film peut aussi compter sur un autre argument de poids, Will Smith. L'acteur trouve enfin de quoi briller après avoir enchaîner les projets hasardeux depuis quelque temps. Déjà, la technologie pour le rajeunir s'avère bluffante, les effets spéciaux sont d'ailleurs ici impeccable et témoigne d'un soin qui fait plaisir à voir, et l'acteur fait preuve d'une implication exemplaire. Même si il n'attend pas le niveau d'un Tom Cruise ou de Keanu Reeves, il donne un investissement physique qui impressionne tant l'acteur n'a jamais semblé aussi présent dans l'action en plus de signer une performance plus intime vraiment solide. Il partage en plus une excellente alchimie avec la toujours impeccable Mary Elizabeth Winstead et le duo compense pour le jeu un peu trop caricatural de Clive Owen.


Gemini Man est une expérience de cinéma assez dingue même si elle n'est mise à disposition que d'un film qui en soit est assez générique et oubliable. Néanmoins, il appuie là où ça fait du bien et livre un défilé de sensations inédites et grisantes qui rappelle avec pertinence la fonction première du cinéma. Cette volonté de constamment repousser les limites est admirable chez Ang Lee tant il parvient à renouveler souvent l'expérience cinématographique et arrive à livrer des œuvres qui savent faire date malgré certaines de ses errances. Car même si Gemini Man reste un essai isolé et que son scénario joue en sa défaveur, il reste une pièce pivot pour le cinéma d'action. Et dans une période où les blockbusters ont tendance à s'uniformiser et où ils cèdent à une narration qui lorgne plus vers la série TV, voir un film qui revient à l'essence même du spectacle et se montre aussi incarné et virtuose offre une belle bouffée d'air frais. Et mine de rien, à ce jour ce Gemini Man est assurément le blockbuster de l'année.

Frédéric_Perrinot
7

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2019, une autre année à regarder des films

Créée

le 5 oct. 2019

Critique lue 731 fois

5 j'aime

Flaw 70

Écrit par

Critique lue 731 fois

5

D'autres avis sur Gemini Man

Gemini Man
Juwain
3

Sauvez Will/Lee !

Henry Brogan raccroche et rien ne pourra faire changer d’avis le plus grand sniper de la DIA (CIA avec un D., pas les magasins). Et surtout pas sa dernière mission où il a manqué de peu de tuer une...

le 3 oct. 2019

21 j'aime

1

Gemini Man
Behind_the_Mask
5

Mon double, son âme et moi

L'internaute 2.0 en mode intégriste est d'une prévisibilité qui me laisse parfois pantois. Car je suis sûr qu'il se contentera paresseusement d'attribuer l'échec relatif de ce Gemini Man au contrôle...

le 6 oct. 2019

21 j'aime

3

Gemini Man
lhomme-grenouille
1

Voilà ce que la scientologie fait aux hommes perdus...

Ang Lee. C’est juste pour ce nom que je me suis déplacé vers ce « Gemini Man. » Mais j’ai été bête. J’aurais dû voir qu'il n'y avait qu'un seul nom qui figurait sur l’affiche (deux fois). « Will...

le 3 oct. 2019

19 j'aime

13

Du même critique

Glass
Frédéric_Perrinot
6

Une bête fragile

Alors en plein renaissance artistique, M. Night Shyamalan avait surpris son monde en 2017 lorsque sort Split et nous laisse la surprise de découvrir lors d'une scène en début du générique de fin...

le 22 janv. 2019

66 j'aime

6

Ça
Frédéric_Perrinot
7

Stand by me

It est probablement un des plus gros succès et une des œuvres les plus connues de Stephen King, et il est presque étrange d’avoir attendu aussi longtemps avant d’avoir eu une vraie adaptation...

le 22 sept. 2017

63 j'aime

1

A Cure for Life
Frédéric_Perrinot
8

BioShock (Spoilers)

Après une décennie à avoir baigné dans les blockbusters de studio, Gore Verbinski tente de se ressourcer avec son dernier film, faisant même de cela la base de son A Cure for Wellness. On ne peut...

le 17 févr. 2017

59 j'aime

3