Une surprise de taille que les critiques surestiment un peu dans sa globalité. « Get Out » est un bon film d’auteur qui a l’audace de traiter le sujet sensible du racisme à travers des tons si bien équilibrés. Jordan Peele surfe sur son premier long-métrage, après son grand succès dans la comédie américaine à travers les sketchs télévisés « Key an Peele ».


Le travail sur l’ambiance est d’une malaisance que chacun encaissera au mieux. Le sentiment est rapidement partagé avec le protagoniste principal Chris Washington (Daniel Kaluuya), avec qui l’isolation et l’asphyxie seront nos guides. On se laisse baratiner avec plaisir, bien que la mise en abime de certains rôles soit hautement prévisible. Michael Abels ajoute alors sa touche sonore tout au long de cadrage si proche des acteurs que l’on ne sentirait soi-même pris au piège.


Le film puise ses forces dans l’humour. Le spectateur ne s’attend pas forcément à ce que sa présence soit constante, mais il s’avère bien bénéfique. Le sentiment d’angoisse est d’autant plus efficace si l’on peut rire de temps en temps, se déstabilise assez vite. Nous sommes alors pris au dépourvu et l’horreur rattrape le coup et terrifie efficacement. Autant dire que le timing est parfait. De plus, quelques « screamers » sont à noter dans le premier tiers de l’intrigue afin de poser une certaine confusion chez le spectateur qui commence peu à peu à se questionner sur les préjugés. Cette notion naît en fonction du milieu social, notamment fréquenté par les personnes de couleurs.


On dénonce ici une « Amérique Blanche », en rappelant bien l’époque colonial car des indices sont fortement présentes. On sombre dans le cliché, parfois grotesque, mais le rythme de l’intrigue éclipse tous ces petits détails que l’on ne développe pas jusqu’au bout. C’est pourquoi la réflexion est bien réel si l’on s’engage à voir « ce que l’on ne nous montre pas ». Le Noir n’est pas totalement remis à son « état sauvage » entend-t-on. On en tire tout de même des avantages dans un but plus spirituel, digne de la bourgeoisie, proche des idéologies d’American Nightmare.


Et c’est lorsque les chaînes sont rompues que tout le travail en matière de « manipulation mentale » éclate dans nos esprits, devenus alors si étroits. On en tire un côté jouissif, bordé par empathie sans débordement à signaler. Le dénouement se démarque pour cette remarque. On revient sur des repères retro, même si l’idéologie peut trouver un rapport trop décalé sur le coup.


Ce qui est à regretter, c’est de savoir un tel projet dans un ton trop Hollywoodien. Une fois encore, tout est explicite pour le bonheur du grand public. Cet acharnement, cette insistance de nous détailler les propos d’un sujet méritant davantage un envol intellectuel, tout tombe à l’eau. Le film peine alors sur des longueurs qu’on aurait pu nous épargner, mais nous avons beau le rappeler, la formule restera intacte pour le malheur de notre conscience. Le personnage de Rod Williams (Lil Rel Howery) effectue donc les narrations, stimulant quelques pousses d’humour, mais abusives à la longue. Nous aurions apprécié un meilleur traitement, sans forcément changer son état d’âme.


Il faut malgré tout reconnaître que la morale parvient à s’étendre sur la globalité des personnages et plus loin encore. Les préjugés sont un point que le mensonge subtil vient compléter. La crédulité est également de la partie, tout aussi effacée qu’elle puisse paraître dans ce déluge avant tout social. Une affaire politique et ludique que l’on ne verra plus du même œil désormais, l’ère post-Obama recontextualise le thème.

Cinememories
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le 9 juin 2017

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