En compétition à Cannes en 2007, Gog Go Tales est pourtant un des films les plus techniquement minimalistes d’Abel Ferrara. Quand elle a lieu, sa sortie en salles est repoussée ; en France, elle ne se produit que quasiment 5 ans plus tard (2012). Les rares spectateurs du film sont très divisés, certains criant au génie, d’autres sortant consternés par ce Go Go Tales cacophonique et à la limite de l’amateur. Les premiers confondent la signature Ferrara avec du génie encore en vigueur, les seconds n’ont pas tout à fait tort.


Go Go Tales est saugrenu, brouillon, grivois, mais c’est aussi un film dont la proximité est éloquente. Cette vivacité, ce trop-plein d’énergie consumé avec rage, concernent l’ensemble des œuvres de Ferrara, jusqu’à Welcolme to New York ; The Addiction aussi y souscrit, mais dans un mode austère et retenu, tandis que Body Snatchers canalise simplement cette intensité à merveille. Avec Go Go Tales, Ferrara ausculte un système, ad hoc, ici et maintenant. Il n’y a plus de recul entre ses impressions personnelles de cinéaste avançant de manière irréfléchie mais ne lâchant pas et les tribulations de la population du Paradise, strip-club new-yorkais old school.


Tourné en huis-clos dans un studio de Cinecittà dont Ferrara fait alors son bunker, Go Go Tales est un film dans l’expectative, proposant une expérience en prise directe. Il se déroule sur 48 heures, pendant lesquelles les éléments dysfonctionnels passent, tandis le show et la boîte restent debout, si miteux soit-ils. L’approche terrienne et physique de Go Go rappelle un peu celle de Pusher III (c’en est alors un cousin dégonflé), a des côtés rushes hystériques d’un Holy Motors des bas-fonds. Go Go Tales est l’anti-clip par excellence. C’est aussi un crash retentissant : pas que ce soit ridicule ou raté, c’est simplement une approche du cinéma aveugle et borderline.


Drôle d’expérience à la clé, où on s’immisce dans une espèce de faux reportage romancé. Malheureusement, l’absence totale de jugement de Ferrara sur son travail, pose problème. Si la balade est d’une liberté indéniable, elle ne débouche aussi sur rien. L’effet caméra à l’épaule et a ses limites, l’inspiration ne peut être qu’empirique. Au final, Go Go Tales est un vigoureux laisser-aller pour un résultat impliquant mais absolument pas enrichissant. À voir comme une ribambelle d’anecdotes, dont certaines valent le détour – les prestations déchéantes de Willem Dafoe et Asia Argento.


https://zogarok.wordpress.com/2018/02/28/go-go-tales/

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le 7 févr. 2020

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